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ils développent les motifs du droit et les raisons politiques ; à défaut de textes précis inscrits dans la législation, ils interprètent l’histoire, ils invoquent la coutume, ils sont ingénieux, habiles, pressans, mais comment réussiraient-ils à écarter une décision arrêtée d’avance ? C’est en vain que pendant trois jours ils déploient toutes les ressources de la parole et de la dialectique, le conseil privé repousse à une majorité considérable la réclamation de la reine.

La reine proteste solennellement contre la décision du conseil privé (17 juillet) ; en même temps elle adresse une lettre à lord Sidmouth, ministre de l’intérieur, et, lui annonçant son intention d’assister au couronnement du roi, elle le prie de lui faire assigner une place convenable. Elle écrit ensuite à l’archevêque de Cantorbéry, et lui exprime son désir d’être couronnée non pas dans la cérémonie où sera couronné le roi, puisque le conseil privé a cru devoir le lui refuser, mais séparément, quelques jours après, afin que les dispositions prises pour la première solennité puissent servir à la seconde ; on évitera ainsi de nouvelles dépenses. M lord Sidmouth ni l’archevêque ne répondirent à ces missives ; le roi fit écrire directement à la reine que sa volonté formelle était qu’elle n’assistât point au couronnement et qu’elle ne fût point couronnée.

Voici le jour fixé pour le couronnement de George IV. C’est le 19 juillet 1821. La reine est décidée à lutter jusqu’au bout. Cette place qu’on lui dénie, elle essaiera de la prendre. Elle avait fait prévenir les autorités ecclésiastiques qu’elle arriverait dès huit heures du matin à l’abbaye de Westminster. Se ravisant ensuite, afin de pénétrer par surprise, elle se mit en route entre six et sept heures. Une foule immense occupait déjà toutes les avenues. Hélas ! ce n’était plus le même peuple qui avait protesté si énergiquement contre les outrages du procès. L’abandon du bill avait paru à la longue une satisfaction suffisante. Les Anglais, gens pratiques, comprenaient enfin qu’il était peu raisonnable de s’attacher obstinément à une cause équivoque. Sans qu’il y eut plus d’estime pour le roi ni plus de sympathie pour ses ministres, le bon sens public se disait qu’on avait d’autres moyens de combattre leur politique. C’est au milieu de cette multitude, indifférente d’abord et bientôt hostile, que la reine parcourut une partie de la ville dans une voiture à six chevaux. Arrivée à l’abbaye de Westminster, elle trouva toutes les portes fermées. Les personnes de sa suite essayèrent en vain de les faire ouvrir. À toutes les instances, à toutes les sommations, les huissiers répondaient avec une gravité imperturbable que les ordres étaient formels et que nul ne pouvait entrer sans billet. Ce débat se prolongea une demi-heure au milieu d’un vacarme effroyable. On sait quel est le respect des Anglais pour le bâton du constable et les prescriptions de l’autorité. En essayant de violer la consigne des