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arrêtée déjà dans son esprit, profita de cette occasion pour se séparer de ses collègues. Ayant pris la parole dans la discussion qui suivit, il déclara que, sur les périls de l’enquête, son sentiment était d’accord avec celui de M. Brougham ; une telle procédure ne pouvait qu’être pernicieuse au royaume et aux personnes qu’elle concernait. Il soutint, il est vrai, et cela était parfaitement exact, que les ministres, loin de désirer cette enquête, avaient fait tous leurs efforts pour l’empêcher. Il glissa rapidement sur la mesure qui avait effacé le nom de la reine des prières liturgiques, il affirma qu’on n’avait pas demandé à la reine de renoncer à son titre, qu’on l’avait priée seulement d’en prendre un autre comme font les souverains qui voyagent incognito. Il rappela qu’en 1814, consulté à ce sujet par la princesse, il lui avait conseillé de vivre désormais à l’étranger et qu’elle y avait consenti. Il regretta dans les termes les plus vifs que les négociations de Saint-Omer eussent échoué ; sans attribuer cet échec ni à lord Hutchinson ni à M. Brougham, il y signala un parti-pris déplorable, et des conseils occultes qui, s’ils n’étaient pas dictés par de mauvais desseins, l’étaient moins encore par la sagesse ; puis, après cette explication, à la fois très honnête et légèrement embarrassée, il déclara qu’une fois en règle avec son devoir de ministre par les observations qu’il venait de faire à la chambre, il suivrait ses sentimens particuliers ; son intention était de ne prendre aucune part à la discussion de l’affaire.

La retraite de M. Canning donnait une nouvelle force aux argumens de M. Brougham. Un des membres les plus respectés du parlement, M. Wilberforce, demanda que les propositions d’accommodement fussent renouvelées sans retard. Tant qu’on n’avait pas perdu tout espoir de réussir, il fallait s’efforcer de conjurer le péril. Lord Castlereagh, voyant la chambre incliner de ce côté, se hâta de déclarer que le ministère ne s’opposait point à l’ajournement. La proposition de M. Wilberforce fut votée par acclamation.

Les représentans des deux parties se donnèrent aussitôt rendez-vous pour aviser aux moyens de conclure un arrangement. C’étaient au nom du roi le duc de Wellington et lord Castlereagh, au nom de la reine M. Brougham et M. Denman. Cinq conférences eurent lieu au foreign office, et des protocoles en forme furent dressés et signés par les plénipotentiaires. À la cinquième, tout fut rompu. La reine consentait bien à fixer sa résidence hors de l’Angleterre, mais, ne pouvant se résigner à paraître déchue du trône et chassée de la terre anglaise, elle exigeait comme une condition sine qua non que son nom fût inscrit dans la liturgie. C’était précisément ce que le roi refusait d’une façon absolue. Les résolutions étant inflexibles de part et d’autre, il fut impossible de s’entendre.

Pendant que ces conférences avaient lieu au foreign office,