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depuis quelques années en France, ce travail qui a déterminé les plus anciens républicains à voter pour une constitution conservatrice, qui Conduit M. Gambetta lui-même à rompre avec le radicalisme extrême et agitateur, comme il le faisait encore récemment dans une lettre adressée à un conseiller municipal de Cahors. M. le vice-président du conseil ne peut pas se résigner à regarder en face et sans vaines défiances ce mouvement si nouveau, presque universel, à distinguer entre les élémens révolutionnaires, qu’on a certes raison de combattre sans faiblesse, et les élémens de force conservatrice, dont on peut se servir. Il ne voit partout qu’une tactique habile faite pour surprendre et tromper le pays par des démonstrations perfides en faveur de l’ordre et de la paix ; il a l’idée fixe des faux modérés qui se cachent sous l’apparence du respect de la constitution, qu’il se croit tenu de combattre partout comme les ennemis du « gouvernement du maréchal, » c’est le mot consacré. Et à ces faux modérés, dont il dédaigne l’alliance et l’appui, qu’il traite ou qu’il fait traiter à peu près partout en ennemis, qu’a donc à opposer M. le vice-président du conseil ? C’est là vraiment que triomphe la politique du ministre de l’intérieur. M. Buffet, pour faire face à tout, a sa grande et invariable combinaison qu’il ne cesse de produire, — l’union conservatrice ! Beau mot assurément, mais qui dans la réalité devient une étrange chose, un amalgame de tous ceux que M. Bocher appelle les « faux conservateurs, » les « adversaires avoués ou cachés des institutions nouvelles. » Ce n’est point sans doute que M. le vice-président du conseil veuille de propos délibéré et avec préméditation préparer la ruine de la constitution du 25 février, de ce régime pour lequel M. le maréchal de Mac-Mahon réclame le bénéfice d’une expérience loyale. Non, M. le ministre de l’intérieur n’a pas de si noirs desseins et une si profonde diplomatie, nous le croyons ; mais il est entraîné par son système, il est obligé de tout subordonner à la politique de combat, de résistance, que lui imposent ses passions, ses préjugés, ses défiances, ses répulsions. C’est presque sans le vouloir et par une sorte de fatalité qu’il est conduit à cette position extraordinaire où, pour faire l’expérience des institutions « loyalement pratiquées, » il ne voit rien de mieux que de rechercher le concours de ceux qui en « souhaitent la ruine et feront tout pour la précipiter. »

Cette politique, elle est dans le choix des candidatures que l’administration patronne comme dans les discours de M. le vice-président du conseil. On n’a qu’à voir ce qui se passe presque invariablement dans toutes les parties de la France. Partout, sur toutes les listes, on est à peu près certain de trouver des légitimistes, des bonapartistes ou des conservateurs qui ne se piquent pas d’une grande consistance d’opinion. Ceux-là ne refusent rien, il est vrai, au « gouvernement du maréchal de Mac-Mahon ; » mais ils ne promettent rien à la constitution, ils pro-