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la question de cabinet s’est réveillée au moment où on la croyait ajournée jusqu’à la réunion des chambres nouvelles. Un conflit a été engagé dans les conseils du gouvernement. M. le ministre des finances serait-il obligé de donner sa démission pour cause de fidélité à des opinions et à des alliés qu’il n’a jamais désavoués, dont il s’est toujours considéré comme le représentant au pouvoir ? S’il quittait le ministère, se retirerait-il seul ou serait-il suivi par M. Dufaure, même peut-être par quelques autres de ses collègues ? La politique particulièrement représentée par M. le vice-président du conseil resterait-elle seule maîtresse du terrain à la veille des élections ? Au fond, c’est toute l’histoire de cet imbroglio de quelques jours.

Comment s’est-elle engagée, cette crise singulière ? À vrai dire, elle n’est point d’aujourd’hui ni d’hier, elle est peut-être née avec le ministère lui-même. Elle était en germe dans des divergences de situation, d’opinion ou de caractère qu’une politique de libérale et habile conciliation pouvait seule effacer ou atténuer, qu’un esprit d’obstination exclusive n’a fait qu’entretenir et irriter. M. le vice-président du conseil s’est plu assez souvent à invoquer l’homogénéité du ministère et à se couvrir avec une certaine affectation de l’adhésion unanime de ses collègues à la politique dont il a plus d’une fois exposé le programme. Homogénéité, unanimité, c’était au mieux. M. le vice-président du conseil se méprenait sans doute moins que personne en prononçant ces mots qui pour le moment répondaient à tout. Il savait bien que cette unité d’opinions dont il se faisait un bouclier était plus apparente que réelle, plus accidentelle que permanente, et que dans tous les cas elle était le prix de concessions incessantes faites par un sentiment de patriotisme aux circonstances. On laissait dormir les dissentimens ; mais il est bien clair que tous les membres du gouvernement n’interprétaient pas de la même manière la pensée de transaction qui a donné naissance à la constitution du 25 février 1875 et au ministère du 12 mars. Tout le monde n’entendait pas s’enchaîner aux fantaisies de réaction de M. le ministre de l’intérieur. Évidemment M. le garde des sceaux, malgré toute sa réserve, n’a cessé d’avoir une autre attitude et un autre langage que M. Buffet, même dans ces discussions récentes sur la loi électorale, sur la presse, où il a semblé marcher d’intelligence avec le chef du cabinet. L’unanimité n’était pas sans doute bien intime et bien solide lorsqu’il fallait des négociations et des explications de toute sorte pour que le discours si simple, si libéral, prononcé cet automne par M. le ministre des finances à Stors, eût les honneurs de la publicité officielle. Tant que les lois organiques ont été incomplètes, la nécessité d’achever l’organisation constitutionnelle a pu et a du dominer toutes les dissidences. Le jour où ces lois ont été votées et où il a fallu en venir à une application du régime nouveau, à une direction précise dans les élections, la lutte a éclaté ou s’est renouvelée, si l’on veut, plus vi-