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Ici finit la tâche qu’on s’était imposée en entreprenant cette étude. La rencontre des deux chanceliers dans la capitale de Pierre le Grand au printemps de 1873 fut comme l’épilogue d’une action commune qui a duré dix ans et qui a tant contribué à changer la face du monde. Depuis cette époque, l’Europe n’a plus connu de tempête, bien que des nuages parfois menaçans et grondans n’aient cessé de traverser son horizon toujours obscurci. Il y eut même des lueurs et comme des indices que l’ancien et fatal accord entre les cabinets de Berlin et de Saint-Pétersbourg n’était plus aussi absolu que par le passé, qu’il admettait certaines intermittences ou du moins certaines divergences d’opinions et d’appréciations. C’est ainsi que le gouvernement du tsar s’était refusé à suivre le chancelier d’Allemagne dans sa campagne espagnole, dans sa fiévreuse adhésion à la présidence du maréchal Serrano, et il ne paraît pas douteux que l’intervention personnelle de l’empereur Alexandre II, fortement appuyé par l’Angleterre, n’ait, l’an passé, détourné de la France une agression inique et une effroyable calamité. Depuis cette époque aussi, l’adjonction de l’Autriche à la politique officielle des deux états du nord, est venue, on ne saurait trop dire, compléter ou compliquer une association à laquelle il devient difficile de découvrir des intérêts communs quelconques et qui, jusqu’à ce jour du moins, n’a trouvé son harmonie que dans le silence. L’avenir seul pourra dévoiler la portée et la vertu de cette alliance des trois empires tant prônée et aussi mal connue que mal conçue peut-être ; mais on ne se trompera guère en supposant dès aujourd’hui que, dans ce ménage double et trouble, c’est M. de Bismarck qui peut s’estimer le plus heureux des trois.


JULIAN KLACZKO.