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avec Mazzini jusqu’au Kulturkampf contre l’église catholique !

Que l’on ne s’y trompe pas en effet, disait-on encore, c’est la révolution seule qui trouve son profit à la guerre faite aujourd’hui en Allemagne au catholicisme, et bien grande, bien naïve est l’illusion de ceux qui se flattent de voir les idées protestantes ou orthodoxes, l’esprit religieux en général, bénéficier des pertes qu’y ferait la papauté. Il suffit de jeter un regard sur les gros bataillons du Kulturkampf pour reconnaître leur dieu ; ils portent sur leurs bannières bien clairement le signe au nom duquel ils entendent vaincre. Sont-ce les protestans sincères, les évangéliques pour lesquels l’Évangile est une vérité, qui montent les premiers à l’assaut ou qui seulement le suivent de leurs vœux et de leurs prières ? Non assurément ; tous ceux qui de la réforme ont encore gardé non point le vain nom, mais la forte doctrine, répudient ouvertement cette lutte et en gémissent dans leur âme. Ils ont le sentiment juste que dans notre époque si bouleversée, si profondément travaillée par le génie de la négation, les intérêts religieux sont solidaires entre eux tout aussi bien que les intérêts conservateurs. Les ardens au combat, les zélateurs « remplis de l’esprit divin » sont précisément ceux qui n’admettent ni divinité ni esprit, qui n’ont d’autre religion positive que le positivisme, et ce n’est pas en eux certes que voudrait reconnaître ses enfans Luther ressuscité. Le grand adversaire de Rome au XVIe siècle tenait à la révélation, il tenait à sa Bible, à son dogme de la grâce : ne sont-ce pas là toutes choses bien « perruques » et bien risibles aux yeux des disciples de Strauss et de Darwin ? L’apôtre de Wittemberg croyait à la justification par la foi ; les apôtres de Berlin ne croient qu’à la justification par le succès.

C’est une chose grave, — concluaient enfin ces hommes alarmés dans leur patriotisme et dans leurs sentimens conservateurs, — une chose extrêmement périlleuse pour un grand état que d’abandonner, dans ses relations avec les puissances, certaines maximes établies, certaines règles de conduite éprouvées par une longue expérience, devenues en quelque sorte des arcana imperii, et Napoléon III vient de payer bien chèrement une pareille rupture avec les anciennes traditions dans la politique extérieure de la France. La Russie avait également, par rapport à l’Europe, des traditions consacrées et qui ont fait la grandeur et la force des règnes précédens ; sous ces règnes, on était jaloux de défendre la liberté de la Baltique, on veillait au maintien de l’équilibre des forces entre l’Autriche et la Prusse, on appréciait l’amitié et le dévoûment des états secondaires de l’Allemagne, et l’on faisait respecter partout le principe monarchique en face de la révolution. Puisse la Russie n’avoir jamais à se repentir de s’être détournée des voies creusées