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Vient-il à tomber de vieillesse, le plus robuste est appelé à lui succéder, et la dynastie se continue ainsi sans interruption.

La nouvelle position qui lui était faite mettait Trueba désormais à l’abri du besoin, elle lui ouvrait en outre un vaste champ d’études jusqu’ici à peine exploré. L’histoire générale du très noble et très loyal señorio de Viscaye demeure encore à faire. Trueba conçut le projet d’élever ce monument à la gloire de son pays, et sans plus tarder s’occupa d’en réunir les matériaux. L’entreprise était longue et difficile. Là bas comme partout, le paysan en général se montre assez peu soucieux des reliques du passé, et grâce à cette incurie nombre de documens précieux se perdent encore tous les jours. N’est-ce pas le conseil municipal d’une localité de l’Espagne qui faisait jeter à l’eau une grande quantité de vieux papiers contenus dans ses archives, sous prétexte qu’ils étaient écrits d’une écriture qu’on ne comprend plus ? Par contre en Viscaye existait encore il y a quelques années l’habitude d’apprendre à lire aux enfans sur des actes tirés des archives des greffes et des tribunaux, et Trueba lui-même se souvient d’avoir gaspillé ainsi en jouant des manuscrits que plus tard il n’aurait pas échangés contre un trésor.

Tout en se préparant à son grand ouvrage, tantôt plongé dans la poudre des bibliothèques, tantôt errant en touriste à travers monts et vallées, Trueba écrivait, au gré de l’inspiration, les idées ou les faits qui frappaient le plus son esprit. Ainsi s’est formé le volume intitulé Chapitres d’un livre. Il y a un peu de tout dans ce recueil : des souvenirs d’enfance, des récits familiers comme dans les livres de contes du même auteur, puis des pages plus sévères, empruntant leur sujet aux vieilles chroniques. On peut juger par là comment Trueba entend raconter l’histoire. Le style est bref, énergique, l’intérêt habilement ménagé ; peut-être cependant sentirait-on parfois chez l’auteur l’absence de savoir et d’instruction générale nécessaires à ce genre d’études ; le sujet n’est pas toujours suffisamment pris de haut.

Vers la fin du XIIIe siècle, l’état du littoral cantabrique n’était pas moins troublé que celui du reste de l’Europe ; des guerres de parti, auxquelles prenait part toute la noblesse divisée en deux camps, désolaient le pays ; en dépit de l’intervention des princes voisins, ces guerres, suites ininterrompues de sacs, d’incendies, de massacres, durèrent jusqu’à la fin du XVe siècle, et il fallut la forte main d’Isabelle la Catholique pour y mettre un terme. Dans les Encartaciones, les deux partis se distinguaient par les noms de oñacinos et de gamboïnos. Parmi les familles qui de ce côté jouèrent un des principaux rôles au milieu de ces discordes civiles étaient les Salazar, dont Trueba nous a rapidement esquissé la généalogie : terribles