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le touriste ami du paysage, qui peut à son aise sonder l’horizon, examiner la voie. On y est quelquefois fort mal, parce qu’il faut se tenir debout, et que les secousses du convoi en marche et la trépidation continue des roues qui sont voisines fatiguent singulièrement. On y gêne aussi les manœuvres, le conducteur passe et repasse à chaque instant, et c’est là que se dresse la barre de levier verticale, surmontée d’une manivelle circulaire, que serrent ou desserrent les garde-freins. Par cette plate-forme, on peut passer d’une voiture à l’autre en une enjambée. Le saut n’est pas sans danger quand le train va vite et « galope. » Une affiche se borne à prévenir le voyageur. Cela fait, on n’empêche personne d’aller et de venir à sa guise, voire de se casser le cou. Chacun doit être son unique gardien, son protecteur : help your self, défendez-vous tout seul, c’est la maxime qui a cours partout.

Les sièges sont à claire-voie, ou plus généralement garnis de peau ou de velours ; ils peuvent basculer autour d’une charnière latérale, de sorte qu’à volonté on va en avant ou en arrière. Si l’on est trois ou quatre ensemble, on se met les uns vis-à-vis des autres dans une sorte d’isolement relatif. Entre les deux paires de sièges qui se regardent ainsi existe souvent, fixée à la paroi latérale de la voiture, une petite tablette qu’on relève pour poser un livre, faire une partie de cartes. A côté de chaque rangée de sièges est une fenêtre munie d’une vitre, d’une persienne et d’un rideau. Le car est ventilé par des ouvertures spéciales et par des moyens mécaniques particuliers indépendans de la main du voyageur. L’air qu’on y respire est toujours pur, frais, abondant. La nuit, la lumière est fournie par des bougies ou bien par des lampes à pétrole ou à gaz, protégées par un globe et disposées au plafond du couloir longitudinal ; l’éclairage laisse souvent à désirer. Dans le couloir circule incessamment de jour le conducteur qui contrôle les billets. Pour n’être pas dérangé, on les passe au cordon de son chapeau. Le conducteur les pointe et les replace pendant que le voyageur continue son somme ou sa lecture. Un autre homme est dans le car prêt à répondre au moindre appel. Il vend des journaux, des livres, du tabac, des fruits, des douceurs. Une corde qui traverse la partie supérieure du couloir de chaque car, portée sur des anneaux de fer, règne sur toute la longueur du train, et met chacun en communication instantanée avec le mécanicien. Un voyageur sans défense attaqué subitement dans un wagon ou en proie à un danger quelconque a ainsi la faculté d’appeler immédiatement du secours.

Le maintien des voyageurs dans les cars est généralement bon, surtout dans les états de l’est. On y cause à voix basse, on y a pour les femmes, quelles qu’elles soient, une très grande déférence. On y mâche assez volontiers du tabac, mais on n’y fume pas, si ce