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produits, quels qu’ils soient, sont frappés à l’entrée de 30 pour 100 de droits sans distinction, les matières premières à la sortie de 8 pour 100. Pour qui voit les choses de près, un semblable régime ne saurait aboutir qu’à l’épuisement et à la ruine du pays.

Comme nous l’avons exposé, l’industrie pastorale semble être parvenue à un état de prospérité inconnue jusqu’à ce jour ; depuis dix ans, par suite de l’augmentation en nombre et en valeur des troupeaux, la fortune générale de la province de Buenos-Ayres, qui est la seule importante de la république argentine, s’est augmentée de plus de 2 milliards de francs en capital mobilisé, sans parler de la plus-value des terres et des immeubles due à l’augmentation de la population. Il y a dix ans, le nombre des moutons était de 30 millions de têtes, valant 3 francs pièce, il est aujourd’hui de plus de 70 millions valant en moyenne 8 francs, soit une valeur de 90 millions remplacée par une valeur de 560 millions ; en ajoutant à ce chiffre la plus-value des bêtes, à cornes, qui est aujourd’hui un fait acquis, et équivaut à près de 400 millions de francs, on atteint au chiffre de 870 millions, qu’il faut encore augmenter du produit annuel de ces troupeaux pendant ces dix années et de la valeur des récoltes agricoles, aujourd’hui suffisantes pour la consommation locale. Tout compte fait, on peut donc estimer à 2 milliards de francs le capital dont le pays a bénéficié. Si l’on songe que cette somme doit se répartir entre une population de 500,000 individus, on croirait qu’un pays qui a bénéficié d’un tel accroissement de richesse devrait être la terre promise de l’industrie. Il n’en est rien. Bien au contraire cette augmentation de richesse est accompagnée d’une crise financière et commerciale telle que le déficit du budget national atteint 25 pour 100, celui du budget provincial de Buenos-Ayres 20 pour 100 de leur chiffre de dépenses, que les fortunes privées sont toutes profondément atteintes, que le tiers des propriétaires peut être considéré comme ruinée que la propriété immobilière est dépréciée et délaissée, qu’en un mot le pays semble n’avoir pris son élan que pour tomber plus lourdement dans un abîme. Bien de plus logique que ce résultat de mœurs économiques mauvaises ; toute cette richesse acquise a été gaspillée, immobilisée, mais surtout exportée, les dépenses de toute nature, publiques ou privées, ont augmenté, le travail et l’épargne ont continué à rester inconnus. Le commerce étranger, qui semblerait devoir profiter de tout ce gaspillage, en est arrivé à ne plus pouvoir vivre lui-même sur ce pays ruiné par l’inaction, et liquide dans des conditions désastreuses. Quelques chiffres suffiront à mettre en lumière cette situation.

La production de la république argentine s’arrêtant là, où le