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Romains, du miel comme les Scythes, de la graisse, du vinaigre, de l’alcool ; aucun de ces préservatifs ne saurait être employé autrement que par les ménagères pour les besoins limités d’une famille, aucun ne suffit pour la conservation de millions de bœufs et la consommation des peuples. On a essayé aussi du système Appert, que tout le monde connaît, et qui consiste à soumettre les boîtes, avec la matière que l’on se propose de conserver, à l’action d’un bain-marie après une fermeture hermétique. Ce système, perfectionné en Écosse par Fastier, qui, lui, expulse l’air de la boîte par une petite ouverture en la soumettant à une haute pression, est encore le meilleur connu pour les conserves alimentaires, mais il ne saurait être appliqué à la conservation des viandes fraîches ; trop coûteux, il n’a même pas l’avantage de laisser à la viande son aspect naturel : elle sort de la boîte revêtue d’une couche grise peu engageante, et il faut lui restituer sa couleur naturelle avant de lui faire subir aucune préparation culinaire.

En 1868, un concours fut ouvert à Buenos-Ayres ; soixante-douze systèmes, dont vingt-sept avec échantillon, furent présentés, pas un n’a obtenu ni mérité le prix, aucun ne donnait les moyens de préparer une quantité considérable de viande fraîche à bon marché ; nous croyons même qu’aucun échantillon n’arrivait à satisfaire l’œil, le goût et l’odorat tout ensemble. Depuis cette époque, le découragement paraît s’être emparé des chimistes, et ils ont à peu près renoncé à lutter contre l’inévitable décomposition des matières organiques. Les seules tentatives qu’on poursuit aujourd’hui ont pour objectif la conservation par le froid sans emploi direct d’aucun réactif : c’est donc une question intéressant non plus les chimistes, mais les constructeurs ; on essaie de disposer dans des navires ad de grandes glacières dans lesquelles on transportera des bœufs entiers pour les livrer à la boucherie européenne tels qu’ils sortiraient le jour même de l’abattoir local. des essais dans ce sens ont été faits tout récemment à Melbourne et à Paris, et l’on attend à Buenos-Ayres un chimiste français qui doit y appliquer ce système.

Pour ne parler que des résultats acquis et des modes de fabrication essayés jusqu’ici par l’industrie, nous devons dire que les viandes conservées, pour être peu répandues sur les marchés, n’y sont cependant pas inconnues ; de Melbourne et de Sydney, aussi bien que de Buenos-Ayres, des envois ont été faits sous différentes formes et peu à peu acceptés par la consommation. On cite entre autres les viandes Oleden, envoyées de la Plata, qui ont été cotées, il y a trois ou quatre ans déjà, à Londres et à Liverpool. Préparées en saumure, elles ont à peu près l’aspect du wet beef des Nord-Américains. À la même époque apparurent les viandes