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se font vis-à-vis : dans le tympan de la porte du narthex qui regarde le chœur, la kimisis ou sépulture de la Vierge est invariablement reproduite. Sur les autres parois, sur les voussoirs et les entre colonnemens, se déroulent dans un fond d’outremer des scènes de l’Écriture, des figures de saints et de vierges. Le narthex et le vestibule sont réservés aux représentations des conciles, de la vie ascétique, aux jugemens derniers, aux apocalypses et aux scènes allégoriques. Les empereurs et les voïvodes, bienfaiteurs du couvent, attendent modestement des deux côtés de la porte ou se dissimulent au bas des piliers. — C’est dans la petite et sombre église de Karyès que ces fresques atteignent le plus haut degré de perfection : des restaurations bâtardes ont défiguré le plus grand nombre, mais les trois ou quatre tableaux qui attestent la main du maître primitif suffiraient à sa gloire : il y a là un Christ enfant, douce et charmante tête qu’eût enviée fra Angelico, une Visitation de la Vierge qui nous montre des personnages savamment conçus et groupés. Après Karyès, c’est à Vatopédi, à Lavra, à Saint-Denys et à Dochareion qu’il faut chercher les meilleures productions de l’art athonite. Déjà le sentiment moins primesautier, l’agencement des figures moins naturel, l’emploi des couleurs moins judicieux dénotent une autre génération d’artistes : que de charme et de vérité pourtant dans les histoires évangéliques de l’église de Lavra, Jésus prêchant dans le temple, pardonnant à la femme adultère, les disciples d’Emmaüs, la pendaison de Judas ! A Vatopédi, une femme couchée, en robe verte, nous donne l’illusion d’un André del Sarto. Ces trésors dont les grands couvens sont si fiers le cèdent néanmoins, suivant nous, aux peintures moins connues du petit monastère de Dochareion, le dernier de la côte occidentale. Quelle entente simple et vigoureuse de la composition dans ces scènes, les noces de Cana, la guérison du paralytique, le Christ dans la barque ! Trois têtes de madones nous arrêtent longtemps par leur indicible expression de tristesse ; une autre Panagia assise, à demi tournée sur elle-même, s’enlève avec un galbe exquis : c’est comme une sibylle de la Sixtine, un peu paralysée et raidie. Nous citons au hasard, parmi tant de souvenirs charmans ; passons-en des meilleurs pour chercher à coordonner l’ensemble et à faire jaillir un peu de lumière sur la filiation obscure de ces œuvres remarquables.

Les renseignemens qu’on obtient des moines sont d’un vague désespérant : ils s’accordent à attribuer indistinctement tous leurs chefs-d’œuvre au fameux Pansélinos, le Raphaël de l’Athos, qui aurait fleuri aux premiers temps de la communauté. Comme le cicerone italien qui met les plus médiocres copies sur le compte du peintre d’Urbin, le caloyer qui nous guide s’écrie avec componction devant chaque figure : Pansélinos ! Pansélinos ! — Seul, l’igoumène