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carbonifère seraient identiques avec des diatomées qui vivent encore aujourd’hui dans les eaux.

Aussi profondément que l’on pénètre dans l’écorce terrestre et dans l’étude des âges écoulés, la nature met sous nos yeux une distribution de plus en plus différente des êtres, régis par d’autres climats. Aux temps anciens du globe, les associations de végétaux croissant ensemble dans la même contrée n’étaient point ce qu’elles sont aujourd’hui. Les changemens nombreux qui se sont succédé dans le cours des diverses périodes géologiques ont rompu les associations primitives en diversifiant les climats, que tout indique avoir été d’abord d’une égalité et d’une humidité extrêmes en même temps que très chauds. La température a diminué généralement pour se conserver plus chaude sur certains points, les mers et les continens ont changé plus d’une fois de rapports, et les chaînes montagneuses nouvellement soulevées, en arrêtant les nuages et en modifiant les vents, ont singulièrement modifié les climats. Le globe a passé toujours d’une variation à une autre variation. Les végétaux anciens qui ont persisté à travers ces mutations d’âge en âge (et qui sont certes beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit) se sont peu à peu accommodés forcément aux climats qu’ils subissaient, de même que ceux qui ont successivement apparu sur le globe ; ils se sont casés là où ils trouvaient les conditions de leur existence, diminuant de nombre à chaque époque nouvelle qui rendait plus difficile la situation des survivans, et qui favorisait quelquefois beaucoup plus l’établissement des nouveau-venus. Refoulés de leurs anciennes stations, ces survivans s’éparpillaient de plus en plus, et l’on pourrait presque affirmer aujourd’hui qu’un type rare de la flore actuelle est un type ancien en voie de décroissance, comme M. Martins l’a fait toucher du doigt pour une légumineuse du midi de la France, l’anagyris fœtida. Si une espèce est cantonnée dans une chaîne de nos montagnes, limitée aux Carpathes ou à l’Atlas marocain, cela n’indique pas le moins du monde qu’il y ait un centre de création spécial à l’un ou à l’autre de ces massifs ; cela signifie simplement que cette espèce ne trouve plus aujourd’hui que dans cette station restreinte les conditions nécessaires à son existence[1]. Les plantes placées dans des conditions exceptionnelles sont des restes, des

  1. Une fougère se trouve sur les côtes d’Italie dans la petite île d’Ischia, fougère très connue des amateurs et fréquemment cultivée dans les serres, le woodwardia radicans. Elle n’existe pas ailleurs en Italie, ni même en Afrique. On admettrait donc un centre de création dans l’Ile d’Ischia, si l’espèce n’était commune dans l’Amérique centrale, sous des latitudes inférieures. Elle a persisté à Ischia parce qu’elle y naît auprès de sources chaudes. De même à l’Ile Saint-Paul on trouve un lycopode de la région tropicale vivant sur des terrains où le thermomètre accuse 80 degrés à quelques centimètres et 200 degrés à 1 mètre 1/2 ou 2 mètres de profondeur.