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comprend les types des Alpes et des hautes montagnes de toute l’Europe ; en la localisant dans l’extrême nord, il nous donne une fausse idée de la distribution géographique des végétaux qu’elle renferme. Il est vrai que la région « arctico-alpine » ne serait même pas, à proprement parler, une division géographique du globe terrestre. Presque aucune de ses régions n’est à l’abri d’une critique semblable. La région méditerranéenne, assez homogène sur les côtes et dans les îles, peut-elle comprendre, comme le veut M. Grisebach, et les hauts plateaux de l’Espagne, et la chaîne de l’Apennin, et les massifs élevés de l’Asie-Mineure ? De même la dépression de la mer Caspienne et les montagnes du Thibet peuvent-elles être classées dans une même unité régionale sans violer à la fois les rapports entre les flores et le sentiment instinctif des vérités naturelles ? Il y a bien des végétaux de l’Himalaya qui ne sauraient s’accommoder du climat chaud et humide de la mer Caspienne. Nous n’ignorons pas que M. Grisebach n’a fait, dans cette partie de ses conceptions, que se rallier à une théorie généralement admise avant lui, et c’est justement en la développant avec un talent incontestable, appuyé sur une masse imposante d’observations personnelles, qu’il en a le mieux montré les faiblesses. Ces faiblesses n’apparaissent nulle part plus prononcées que dans la constitution de sa quatorzième région, composée des îles de l’Océan où l’auteur a cru reconnaître des centres de création, c’est-à-dire des pays les plus éloignés et les plus différens, tels que les Açores, Madère et les Canaries, qui forment un ensemble, Madagascar et les îles voisines, qui en constituent un autre, les Sandwich, qui ont une flore spéciale, etc. Il n’y a là qu’un cadre artificiel, et l’auteur le sait aussi bien que personne ; mais pourquoi n’a-t-il pas rattaché les îles du Cap-Vert à la région du Sénégal, les Gallapagos et Juan-Fernandez au continent américain ? En séparant les îles des terres fermes voisines pour les réunir entre elles, il rompt des affinités naturelles et rapproche des flores qui « hurlent de se trouver ensemble. »

On voit déjà par où péchera toujours l’application qu’on voudra faire de cette théorie. Il y a nécessité de diviser le globe en aires bien plus nombreuses pour les faire coïncider avec des centres de création locaux. M. Grisebach en a omis beaucoup, et nous sommes d’autant mieux en droit de le constater que ces omissions sont volontaires et ne procèdent point, tant s’en faut, de l’ignorance. Pour ne citer que deux des grandes régions qu’il a en apparence méconnues, la région atlantique et la région antarctique ne font point partie de ses subdivisions.

La région occidentale de l’Europe ou région atlantique, que l’on