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Charlemagne en présida un en 794 pour la condamnation de l’hérésie de Félix d’Urgel, et un autre en 809 où l’on traita de la procession du Saint-Esprit. Ce droit des rois à la présidence et à la direction des conciles était encore reconnu au temps de Charles le Chauve, ainsi qu’on peut le voir dans le préambule des actes du concile de Soissons en 853.

Les décisions des évêques étaient toujours soumises au pouvoir temporel ; elles ne recevaient de valeur légale et ne devenaient exécutoires que lorsqu’elles avaient été acceptées et promulguées par le prince. Non-seulement il avait le droit de les rejeter, il pouvait même les modifier. Ce principe était reconnu formellement par les évêques eux-mêmes. On lit ordinairement à la suite des actes de chaque concile une formule telle que celle-ci : « voilà les articles que nous avons rédigés, nous évêques et abbés ; nous décidons qu’ils seront présentés au seigneur empereur, afin que sa sagesse y ajoute ce qui y manque, y corrige ce qui est contre la raison, et que ce qu’elle y reconnaîtra bon, elle le promulgue et le rende exécutoire[1]. » Ainsi les conciles n’avaient qu’un droit de proposition ; même en matière de discipline et de foi, l’autorité législative appartenait uniquement à l’empereur.

Le pouvoir civil avait un droit de surveillance sur l’église. Les commissaires royaux visitaient les évêchés, pénétraient dans les monastères, faisaient un rapport au prince sur la conduite des évêques, des prêtres, des moines et des religieuses. Il est vrai que l’église avait sa juridiction particulière : les Carolingiens confirmèrent maintes fois le privilège que ses membres avaient de n’être pas justiciables des tribunaux des comtes ; mais les appels des sentences des évêques étaient portés au roi, qui était ainsi le juge suprême des ecclésiastiques comme des laïques.

Les évêques étaient indépendans des comtes et des ducs ; mais ils étaient subordonnés aux commissaires royaux. Ceux-ci les mandaient devant eux, leur faisaient rendre leurs comptes, les obligeaient à assister à leurs plaids, enfin faisaient savoir au prince si chacun d’eux exécutait fidèlement dans son diocèse les volontés royales. Les membres du clergé ne pouvaient sortir du royaume, même pour aller à Rome, qu’avec une permission spéciale du souverain. Ils n’étaient pas affranchis des charges publiques ; s’ils étaient exempts d’une grande partie des impôts par des concessions d’immunités que Charlemagne prodigua, ils ne l’étaient pas du service militaire. Ils devaient faire la guerre, sinon en personne,

  1. Conciles d’Arles, ann. 813, — de Tours, de Mayence, même année, dans Labbe, t. VII, p. 1239, 1241, 1261.