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comte tenait son plaid, c’est-à-dire ses séances, où et quand il voulait. Il n’y était pas un simple président, il y était un maître. « Nous voulons, est-il dit dans un capitulaire, que le comte ait toute-puissance dans son plaid, sans que nul le contredise ; s’il fait quelque chose qui soit contre la justice, c’est à nous que la plainte doit être adressée. »

il est vrai que le comte devait être entouré de quelques hommes et qu’il ne pouvait guère juger seul. Dans les documens carolingiens, on voit deux sortes d’hommes qui prennent part au plaid ; les uns sont les serviteurs du comte, vassi comitis ; les autres sont les scabins, scabini. Il n’y a aucun indice que ces scabins ou échevins du temps de Charlemagne fussent élus par les populations. Les textes législatifs montrent au contraire qu’ils étaient choisis par les missi dominici ; ils étaient subordonnés au comte, qui avait sur eux un droit de surveillance, pouvait les révoquer et répondait de leur conduite. Il ne semble pas qu’ils fussent désignés pour un temps limité ; ils étaient revêtus d’un caractère officiel et permanent ; leur charge s’appelait une fonction, ministerium, et l’on voit par plusieurs diplômes qu’ils étaient classés parmi les fonctionnaires publics. Ces hommes avaient une grande part au travail de la justice : comme il était rare que le comte fût un légiste, c’était à eux qu’il appartenait d’interroger les parties, de faire la recherche des faits, de dire la loi qu’il fallait appliquer ; ils dictaient la plupart du temps au comte la sentence que celui-ci n’avait qu’à prononcer. Ils étaient en un mot des juges de rang inférieur qui aidaient le comte. Les arrêts de ce tribunal pouvaient être révisés par le missus dominicus pendant sa tournée d’inspection. De la sentence du missus, l’appel était porté au prince, qui se trouvait ainsi le juge suprême de tout l’empire.

Le plaid du roi se tenait dans le palais. Plusieurs arrêts de Charlemagne nous ont été conservés ; l’énoncé commençait, ordinairement par cette formule : « Charles, empereur, auguste… Tandis que dans notre palais nous siégions pour entendre les causes de tous et les terminer par un juste jugement, telles personnes se sont présentées devant nous,… et nous, au milieu de nos fidèles, et ayant pris leur conseil, nous avons décidé. » Ces fidèles que l’empereur consultait ne ressemblaient en rien à un grand jury national : les uns étaient des évêques et des abbés que le prince avait choisis, les autres étaient des courtisans portant le titre de domestici ; d’autres enfin étaient des ducs et des comtes, c’est-à-dire des agens du pouvoir impérial. La description que fait Hincmar de ces réunions prouve bien que nul n’y pouvait entrer qui ne fût à la convenance du prince. Ce plaid était ordinairement présidé par le