Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compose de plusieurs régions, l’empereur avait soin que les différens ministres fussent choisis également dans toutes ; il voulait que chacun de ses sujets, à quelque contrée qu’il appartînt, eût un accès plus libre au palais, sachant qu’il trouverait dans les hauts emplois des hommes de sa race et de son pays. » L’empire de Charlemagne n’était pas la domination d’une race sur les autres ; il était la domination d’un monarque sur toutes les races indistinctement. Si l’on fait attention à cette hiérarchie d’administrateurs qui s’étendait comme un réseau sur tout l’empire, à ces commissaires royaux qui le parcouraient chaque année, à ces ministres vers lesquels toutes les affaires convergeaient, à ces instructions qui partaient incessamment du prince, à ces rapports qui revenaient incessamment vers lui, on reconnaîtra qu’un tel régime était la centralisation la plus complète.

La justice était un des attributs de cette royauté omnipotente. Les capitulaires sont pleins d’articles qui montrent les fonctionnaires royaux, c’est-à-dire les missi, les comtes, les centeniers, chargés du soin de punir les crimes ou de vider les procès. Partout les juges sont des hommes qui dépendent du prince, qui reçoivent ses instructions, qu’il nomme et destitue. Charlemagne ne cesse de prescrire à ses agens dans les provinces de faire bonne justice : « nous voulons, dit-il, qu’aucune faute ne soit laissée impunie par nos juges. » — « Qu’aucun juge, écrit-il ailleurs, ne permette à un malfaiteur de se racheter, sous peine d’être révoqué de sa charge. » II leur recommande particulièrement les pauvres et les faibles, ce qui serait sans doute inutile, si la justice était rendue par la population. Il veut que ses comtes sachent les lois, ce qui implique assurément qu’ils ne sont pas seulement des chefs militaires : et des administrateurs ; il leur enjoint de ne choisir pour vicomtes et centeniers que des hommes qui les sachent aussi. Il se fait rendre compte de la manière dont ils jugent. Louis le Débonnaire écrit : « Que nos missi et nos comtes jugent bien, afin que les plaintes des pauvres ne s’élèvent pas contre eux. » Il ajoute : « Que le peuple sache qu’il ne doit porter ses procès devant nous que si nos missi ou nos comtes ont refusé de faire justice. » De telles instructions ne sont-elles pas incompatibles avec l’existence de jurys populaires ?

Le tribunal au milieu duquel le comte rendait ses jugemens s’appelait le mall ou le plaid du comte. Ce serait se tromper beaucoup que de se représenter ce mall comme une grande assemblée des hommes libres du canton ; il se tenait non pas en plein air, mais dans une salle, et nous avons plusieurs capitulaires qui prescrivent au comte de veiller à ce que cette salle soit toujours en bon état. Le