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de nos jours par des assemblées nationales. C’est l’observation seule des textes qui peut nous guider dans cette recherche.

On y remarque d’abord que le lieu de ces réunions n’était pas fixé d’une manière permanente ; il variait chaque année, et c’était le roi qui l’indiquait à sa volonté. L’assemblée ne se réunissait que quand le roi la convoquait et parce qu’il lui plaisait de la convoquer. Il n’y a pas un seul texte qui présente cette coutume comme une obligation qui s’imposât au roi. Chaque réunion est présentée au contraire, soit dans les chroniques, soit dans les actes officiels, comme l’effet de la volonté spontanée du prince. Les hommes ne s’y rendaient que s’ils en avaient reçu personnellement l’ordre formel. Nous avons des exemples d’hommes à qui cet ordre n’était pas parvenu ; ils ne s’y rendaient pas. — On peut remarquer encore que cette assemblée ne se réunissait qu’autour du prince : il était toujours présent, et c’était toujours lui qui présidait ; elle n’était rien sans lui. Enfin, sur plus de deux cents passages de chroniques, de lettres, de lois, où il est parlé de ces champs de mai, il n’en est pas un seul où nous lisions que le peuple ait délibéré, qu’il ait discuté une question, qu’il ait voté une résolution. Regardons de près le langage de ces chroniqueurs ; jamais ils ne disent : l’assemblée décide ; c’est toujours le roi qui, au milieu de l’assemblée, résout et décrète. C’est le roi « qui règle les affaires, necessaria quœque tractat, » En 790, « le roi réunit à Worms l’assemblée des Francs, et il régla toutes choses suivant ce qui lui parut être utile, » En 807, « l’empereur tint son assemblée à Ingelheim, avec les évêques, les comtes et les autres fidèles ; il leur recommanda d’avoir soin que la justice fût bien rendue dans son royaume, puis il leur permit de retourner chez eux. » — « L’empereur réunit l’assemblée générale du peuple ; là il entendit les rapports que lui firent ses missi sur l’état des provinces ; puis : il prit toutes les mesures qui lui parurent à propos. » Il est dit d’un autre de ces plaids que a l’empereur y donna ses instructions et y fit plusieurs décrets. » Ainsi le prince nous est toujours présenté comme agissant en souverain au. milieu même de cette grande assemblée générale, qui ne semble être là que pour l’écouter.

Nous ne rencontrons jamais dans toute l’histoire de Pépin et de Charlemagne un acte politique ou législatif dont le chroniqueur dise : « C’est l’assemblée du peuple qui l’a voulu. » Il ne se pourrait guère qu’une assemblée indépendante ne fût quelquefois en désaccord avec le prince ; ce désaccord ne se manifeste jamais. Plus tard, Louis le Débonnaire a été déposé ; mais qu’on observe de près les textes qui racontent cet événement, on verra qu’il n’a pas été déposé par une assemblée nationale ; il l’a été par des vassaux et des bénéficiaires. Si l’opposition aux volontés royales a pris des