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révèlent plus rarement, mais qui sont pourtant les plus intimes et les plus vraies. À Rome et à Venise, il avait trouvé deux écoles constituées comme aucune autre ; à Parme, il n’avait rencontré qu’un créateur isolé, sans relations, sans doctrines, qui ne se piquait pas d’être un maître. Avait-il, à cause de ces différences, plus de respect pour Raphaël, plus d’ardeur de sens pour Véronèse et Titien, plus de tendresse au fond pour Corrège ? C’est à croire. Ses compositions heureuses sont un peu banales, assez vides, rarement imaginées, et l’élégance qui lui vient de sa personne et de son commerce avec les meilleurs maîtres, comme avec la meilleure compagnie, l’incertitude de ses convictions, celle de ses préférences, la force impersonnelle de son coloris, ses draperies sans vérité ni grand style, ses têtes sans types, ses tons vineux sans grande ardeur, tous ces à-peu-près pleins de bienséance, donneraient de lui l’idée d’un esprit accompli, mais médiocre. On dirait un excellent maître de cours, qui professe admirablement des leçons trop admirables et trop fortes pour lui-même. Il est cependant beaucoup mieux que cela. Je n’en veux pour preuve que son Mariage mystique de sainte Catherine, qui se trouve ici au musée, à droite et au-dessus des mages de Rubens.

Ce tableau m’a beaucoup frappé. Il est de 1589 et tout imbibé de ce suc italien dont le peintre s’était profondément nourri. À cette époque, Vœnius avait trente-trois ans. Il était rentré dans son pays et y figurait en première ligne, comme architecte et peintre du prince Alexandre de Parme. De son tableau de famille qui est au Louvre et date de 1584, à celui-ci, c’est-à-dire en cinq ans, il avait fait un pas énorme. Il semble que ses souvenirs italiens avaient dormi pendant son séjour à Liège, auprès du prince-évêque, et se ranimaient à la cour de Farnèse. Ce tableau, le meilleur et le plus surprenant produit de toutes les leçons qu’il avait apprises, a cela de particulier qu’il révèle un homme à travers beaucoup d’influences, qu’il indique au moins dans quel sens vont ses penchans natifs, et qu’on apprend par là ce qu’il préfère, peut-être ce qu’il voudrait faire, en voyant plus distinctement ce dont il s’inspire. Je ne vous le décrirai point ; mais, le sujet me paraissant mériter qu’on s’y arrête, j’ai pris des notes courantes et je vous les transcris :

« Plus riche, plus souple, moins romain, quoiqu’au premier aspect le ton reste romain. À voir certaines tendresses de types, un chiffonnage arbitraire dans les étoffes, un peu de manière dans les mains, on sent Corrège introduit dans du Raphaël. Des anges sont dans le ciel et y forment une jolie tache ; une draperie jaune-sombre en demi-teinte est jetée comme une tente à plis relevés à travers les rameaux des arbres. Le Christ est charmant ; la jeune et menue