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ceux qui cherchent et de comprendre la subite grandeur de ceux qui trouvent.

En résumé, une école avait disparu, celle de Bruges. La politique, la guerre, les voyages, tous les élémens actifs dont se compose la constitution physique et morale d’un peuple y aidant, une autre école se forme à Anvers. Les croyances ultramontaines l’inspirent, l’art ultramontain la conseille, les princes l’encouragent, la richesse publique la couvre d’or, tous les besoins nationaux lui font appel ; elle est à la fois très active et très indécise, très brillante, étonnamment féconde et presque effacée ; elle se métamorphose de fond en comble, au point de n’être plus reconnaissable, jusqu’à ce qu’elle arrive à sa décisive et dernière incarnation dans un homme né pour se plier à tous les besoins de son siècle et de son pays, nourri à toute ? les écoles et qui devait être la plus originale expression de la sienne, c’est-à-dire le plus Flamand de tous les Flamands.

Otho Vœnius est ici placé juste à côté de son grand élève. C’est par eux que conclut le musée de Bruxelles ; c’est à ces deux noms inséparables qu’il faut aboutir en effet quand on conclut quelque chose de ce qui précède. De tout l’horizon, on les voit, celui-là caché dans la gloire de l’autre, et, si vingt fois déjà je ne les ai pas nommés, vous devez me savoir gré des efforts que j’ai tentés pour vous les faire attendre.


II

On sait que Rubens eut trois professeurs1, qu’il commença ses études chez un peintre de paysage peu connu, Tobie Verhaëgt, qu’il les continua chez Adam Van-Noort, et les termina chez Otho Vœnius. De ces trois professeurs, il n’en est que deux dont l’histoire s’occupe ; encore accorde-t-elle à Vœnius à peu près tout l’honneur de cette grande éducation, une des plus belles dont un maître ait jamais pu se faire un titre, parce qu’en effet Vœnius conduisit son élève jusqu’à sa maîtrise, et ne se sépara de lui qu’à l’âge où Rubens était déjà un homme, au moins par le talent, presqu’un grand homme. Quant à Van-Noort, on nous apprend de lui que c’était un peintre de réelle originalité, mais fantasque, qu’il rudoyait ses élèves, que Rubens passa quatre ans près de lui, le prit en aversion et chercha dans Vœnius un maître plus facile à vivre.. C’est là tout ce qu’on dit à peu près de ce directeur intermédiaire, qui tint aussi, lui, l’enfant dans ses mains, précisément à l’âge où la jeunesse est le plus sensible aux empreintes. Et selon moi ce n’est point assez pour la part d’action qu’il dut avoir sur ce jeune esprit. Si chez Verhaëgt Rubens apprit ses élémentaires, si Vœnius lui