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fourmillent, les œuvres plutôt que les noms. On ne les distingue pas trop, ni entre elles, ni de l’école allemande ; c’est un écrin, c’est un reliquaire, un étincellement de joailleries précieuses, d’orfèvreries peintes, où l’on sent la main du nielleur, du verrier, du graveur et de l’enlumineur de psautiers, dont le sentiment est grave, l’inspiration monacale, la destination princière, la pratique déjà fort expérimentée, l’effet éblouissant, mais au milieu desquels Memling reste toujours distinct, unique, candide et délicieux, comme une fleur dont la racine est insaisissable et qui n’a pas eu de rejetons.

Cette belle aurore éteinte et ce beau crépuscule achevé, la nuit se fit sur le nord, et ce fut l’Italie qu’on vit briller. Tout naturellement le nord y courut. On était en Flandre à ce moment critique de la vie des individus et des peuples où, quand on n’est plus jeune, il faut mûrir, quand on ne croit plus guère, il faut savoir. La Flandre fit avec l’Italie ce que l’Italie venait de faire avec l’antiquité ; elle se tourna vers Rome, Florence, Milan, Parme et Venise, comme Rome et Milan, Florence et Parme s’étaient tournées vers la Rome latine et vers la Grèce.

Le premier qui partit fut Mabuse vers 1508, puis Van-Orley au plus tard en 1527, puis Floris, puis Coxcie, et les autres suivirent. Pendant un siècle, il y eut en pleine terre classique une académie flamande qui forma de bons élèves, quelques bons peintres, faillit noyer l’école d’Anvers sous des flots de science sans grande âme, de leçons bien ou mal apprises, et qui finalement servit de semence à l’inconnu. Sont-ce bien là des précurseurs ? À cette distance, il eût été trop tôt pour le dire. Ce sont dans tous les cas ceux qui font souche, les intermédiaires, les échelons, des hommes d’études et de bonne volonté que les renommées appellent, que la nouveauté fascine, que le mieux tourmente. Je ne dis pas que tout soit à admirer dans cette longue lignée, ni que tout, dans cet art hybride, fût de nature à consoler de ce qu’on n’avait plus, à faire espérer ce qu’on attendait. Du moins tous captivent, intéressent, instruisent, n’apprît-on à les mieux connaître qu’une chose, banale tant elle est définitivement attestée, le renouvellement du monde moderne par le monde ancien et l’extraordinaire gravitation qui poussait l’Europe autour de la renaissance italienne. La renaissance se produit au nord exactement comme elle s’était produite au midi, avec cette différence qu’à l’heure où nous sommes parvenus l’Italie précède, la Flandre suit, que l’Italie tient école de belle culture et de bel esprit, et que les écoliers flamands s’y précipitent.

Ces écoliers, pour les appeler d’un nom qui fait honneur à leurs maîtres, ces disciples, pour les mieux nommer d’après leur enthousiasme et selon leurs mérites, ces hommes sont divers et diversement frappés par l’esprit qui de loin leur parle à tous et de près les