Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/931

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répandre le goût des arts. Grâce à un éclairage habilement ménagé et à l’emploi de moyens mécaniques que je ne saurais expliquer, on y obtint de merveilleux résultats. Je vois encore l’intérieur d’une cathédrale à la fin de la grand’messe, au moment où le prêtre donne la bénédiction : ces rayons de soleil tombant des vitraux sur la foule pieusement prosternée, ces chapelles dans l’ombre, ces enfants de chœur, ce suisse… L’effet était extraordinaire. M. Detaille a atteint cette exactitude d’aspect, mais ne l’a pas dépassée. Je dois dire que le diorama avait l’avantage d’offrir au public deux spectacles en un seul : à un certain moment, et lorsqu’on avait examiné tout à son aise la scène de jour, l’obscurité se faisait tout à coup, on entendait une musique douce, et bientôt le même tableau apparaissait de nouveau par un effet de nuit ; l’autel était éclairé de mille cierges, les lustres étincelans se balançaient dans le sanctuaire, et l’on ne saurait dire lequel de ces deux spectacles était le plus étonnant. Depuis que ce souvenir lointain m’est revenu à l’esprit, je ne peux plus regarder le Régiment qui passe sans me figurer que la nuit va venir, que les lanternes des voitures vont étinceler et que les boutiques vont s’éclairer de mille feux.

On éprouve je ne sais quel sentiment de tristesse et de regret en face de certains tableaux de genre où les qualités sont pourtant remarquables. Cela ressemble à l’émotion d’un gourmet qui voit arriver sur la table un plat savoureux et qui n’a plus faim. Nous sommes rassasiés vraiment par toutes ces réalités sans vie et sans idée qui nous entourent, nous assiègent et de tous les côtés de l’horizon se précipitent dans notre œil, si bien que, la fatigue et la satiété s’en mêlant, on ne saisit plus qu’imparfaitement les nuances qui séparent entre elles ces petites œuvres égales ou presque égales par la monotone perfection de l’outil qui les a fouillées. On glisse alors du meilleur au moins bon sans presque s’en apercevoir. Les sympathies s’attiédissent à mesure que chez le peintre le sentiment s’affaiblit et que le procédé se perfectionne ; l’indifférence arrive, et l’on tombe de M. Détaille dans M. Saintin sans heurt ni cahot ; M. Saintin, que vingt autres imitent et égalent, ne perdra-t-il pas la vue au métier qu’il fait ? Ne sera-t-il pas atteint de cette crampe des peintres de genre, assez semblable à celle des écrivains et dont on commence à parler ? Et cependant il y a plus étonnant que M. Saintin. M. Firmin Girard a dépassé la photographie dans sa recherche de la vérité, et ce sont de véritables effets stéréoscopiques qu’il arrive à produire. Son Jardin de la marraine nous représente deux jeunes femmes élégamment vêtues, ainsi qu’une charmante fillette en train de cueillir des fleurs. Dans les Premières caresses, nous voyons une gracieuse petite maman souriant à son bébé que la nourrice tient dans ses bras. Le sujet d’ailleurs importe peu. Ce