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siècle dernier qui parfois apparaissent dans une vente comme les fantômes d’un grand art évanoui.

M. Cot a de la distinction, de l’acquis, une grande finesse de dessin et le mérite exceptionnel de ne point aimer le tapage. Son portrait de Mlle H… est d’une discrétion et d’une élégance tout à fait charmantes. On y sent la personnalité d’un modèle délicat. Le portrait de Mme la marquise d’H…, tout aussi purement dessiné, n’a pas le ressort et l’éclat que comporterait le costume. Le gris du fond nuit beaucoup, ce semble, au bleu de la robe.

La tête de femme peinte par M. Hippolyte Dubois est un peu froide de couleur, mais bien construite ; elle serait parfaite ; si le peintre pouvait donner à son exécution un peu d’harmonie et de souplesse. Les trois toiles de M. de Vinne sont des plus remarquables sous le léger voile qui les recouvre. M. de Vinne veut qu’on vienne à lui et qu’on prête l’oreille. Il parle bas, mais vous charme et vous persuade. Le portrait de femme qu’expose M. Blanchard est brillant, réjouissant à l’œil. On ne peint pas avec plus d’entrain, de coquetterie et de bonne humeur. Si M. Blanchard doit redouter quelque chose, c’est l’excès de ses qualités faciles et séduisantes, l’abus des petits ramages et des détails tourmentés, si joliment tourmentés qu’ils soient ; quelques éclats de moins dans cette robe blanche et un peu de fermeté en plus dans la tête donneraient plus d’autorité à cette très charmante toile.


III

Parmi les peintres de genre, voyons d’abord ceux qui n’ont pas tout sacrifié à l’exécution matérielle, et qui cherchent encore à rendre une idée ou un sentiment par la composition de leur tableau et l’expression de leurs personnages. De ces représentans de la vignette d’autrefois, l’un des plus charmans est à coup sûr M. Louis Leloir. Son tableau intitulé la Fête du grand-papa est une jolie petite scène qui se passe au XVIe siècle : voici le grand-papa qui embrasse de bon cœur le bambin, les jeunes filles qui se pressent, les valets qui n’osent approcher… Tout cela est vif, joyeux, papillotant, composé avec aisance. De cette toile bourrée de détails, encombrée de petites curiosités archéologiques, pas un centimètre carré qui ne soit copié d’après nature avec une adresse merveilleuse, en sorte que ce charmant fouillis est une mine inépuisable de petits étonnemens, de petites surprises. Le tapis, la tenture, les meubles, les rubans, les visages, les coiffures, les mains, les souliers, sont d’un intérêt égal auquel on ne résiste pas. Pour exécuter un tableau semblable, il faut beaucoup de talent, mais dans le cas présent il se montre un peu trop, ce talent, et l’inspection de toutes