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elle a un petit parfum de vieux maître italien qui séduit. Il y a là une recherche assez distinguée pour faire passer par-dessus le manque de simplicité. Je remarquerai cependant que cette tête n’est pas construite d’une façon rassurante. Les yeux sont-ils bien d’ensemble ? Mon plus grand désir est que, vérification faite, vous trouviez que je me suis trompé.

Que dirons-nous de l’énorme portrait exposé par M. Machard ? Une jeune femme au visage joyeux et affable, vêtue simplement d’une robe en velours rouge sang de bœuf et puissamment décolletée, se dirige vers un rideau d’un vert radical. Ce rideau soulevé laisse voir le fût d’une colonne monumentale qui fait songer au péristyle de la Bourse. Il y a donc un palais obscur derrière ce rideau ? Que veut dire tout cela ? Mon Dieu, mon Dieu ! si vous ne reculez pas devant un miracle, faites germer dans le royaume des arts la bonhomie et la simplicité !

Il y a beaucoup d’air et de lumière dans le tableau de M. Fantin La Tour, — un homme à barbe regardant une gravure. — La main, dont on ne sent pas suffisamment la structure, est d’un vif éclat et d’une fraîcheur charmante, et le portefeuille sur lequel elle s’appuie d’une réalité saisissante. La tête se maintient à côté de ces éclats, et c’est beaucoup. Quant à la personne en gris qui se tient debout dans un visible embarras, je comprends son désir de rentrer dans le fond, qu’elle n’aurait jamais dû quitter. M. Fantin La Tour compose et ordonne ses toiles moins heureusement qu’il ne les peint.

Il faut croire que les personnes chargées de placer les tableaux ne sont pas très désireuses d’en jouir ensuite, car je vois dans ce placement d’étranges anomalies. Telle toile que l’on aurait dû accrocher un peu haut et loin du regard, ne serait-ce que par politesse pour son auteur, est mise en évidence et semble vous inviter à un scrupuleux examen, tandis qu’une peinture vraiment intéressante et pleine de mérite se perd dans les hauteurs où les yeux ont peine à l’atteindre. Je veux parler d’un excellent portrait de M. Durangel, qui mériterait une place d’honneur et ne l’a pas. Il représente une jeune femme vêtue d’une robe de soie jaune garnie d’une étroite bande de fourrure noire. Ce portrait a un caractère de simplicité et de conviction qui séduit extrêmement ; il est d’un dessin sûr, ferme et consciencieux. La robe et le bras sont parfaits. Je regrette que la tête, peinte dans une tonalité roussâtre, n’ait pas la solidité de ce beau bras ; elle paraît un peu trop transparente et reflétée. Encore faut-il dire que le jour détestable, qui fait miroiter et creuse toute la partie supérieure de cette toile, peut être pour beaucoup dans cette imperfection. Il n’en est pas moins vrai que c’est là une excellente chose et qui rappelle ces beaux portraits du