Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/676

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

près d’un établissement charitable. Le bureau peut opposer une fin de non-recevoir tirée d’un manque absolu de ressources ; on ne concevrait pas qu’il pût repousser une grande infortune par l’unique raison qu’elle se produit trop tard et que les délais d’inscription sont expirés.

S’il importe de défendre la liste contre l’envahissement des fausses misères, ou du moins des misères qui peuvent lutter seules contre la destinée, il n’est pas moins nécessaire de protéger le chétif budget de l’assistance contre les exigences trop grandes des pauvres qui y seront inscrits. Il ne faut pas se faire illusion sur le pouvoir des établissemens charitables dans les villages. De longtemps ils ne pourront se charger du sort des malheureux, comme on les voit faire dans les grandes villes. L’obole qu’ils apporteront au foyer du pauvre sera bien modeste, mais cette obole bien placée peut encore produire un grand soulagement. L’emploi des deniers de l’assistance comporte donc autant de discernement que d’économie. On pourrait être tenté de s’en effrayer, si l’on ne savait que l’expérience est un grand maître, que les conseils municipaux de village, où se recruteront presque toujours les membres du bureau de bienfaisance, ont parfois à trancher des questions délicates, et qu’à défaut de lumières leur instinct les guide assez sûrement. Qu’on n’oublie pas d’ailleurs que la bienfaisance communale s’exercera le plus souvent sous la forme de secours aux malades, et qu’ici l’erreur est moins facile, parce que la maladie n’a rien de factice et se révèle à des signes infaillibles.


III

La maladie en effet ne comporte pas la surprise ; elle ne peut se feindre comme l’indigence, elle n’est pas, comme la mendicité, susceptible de s’étendre par le soulagement même qu’elle reçoit. Aussi dans tous les temps la sollicitude de l’homme d’état s’est-elle portée sur l’assistance médicale, et chez les nations modernes ce service fonctionne-t-il partout d’une manière plus ou moins satisfaisante. En France, si l’on ne considère que les grandes villes, l’organisation de la médecine des pauvres est remarquable et supérieure à celle des peuples voisins ; si l’on envisage les campagnes, elle leur est au contraire inférieure. Tandis qu’en Angleterre une imposition spéciale établie sur les biens ruraux a permis d’asseoir sur les bases les plus larges le service des populations agricoles, qu’en Allemagne un corps médical rétribué par l’état embrasse dans son réseau tout le territoire de l’empire, qu’en Espagne même la médecine des pauvres est confiée à des médecins nommés au