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fête et les jours de jeûne. Ils intervertissaient tout le diurnal de l’église, déplaçant les solennités ecclésiastiques et transportant le jour de repos du dimanche au mercredi, célébrant Pâques par exemple le mercredi saint. Tous ces changemens se justifiaient sur une nouvelle révélation et sur un livre tombé du ciel. Selon ces compteurs, dont le chef était un simple mougik, il n’y a ni eucharistie, ni clergé, tout homme a le droit de confesser et de célébrer l’office. comme au moine Séraphin de Pskof, on leur reprochait d’enseigner que le péché était la voie du salut en même temps qu’on les accusait de tourner en dérision dans leurs assemblées les fêtes et les cérémonies de l’église. Ces tchislenniki semblaient ainsi unir les préoccupations ritualistes des vieux-croyans à la licence des skakouny et aux instincts radicaux des molokanes.

Des hérésies tout aussi récentes et dont une ou deux ont plus d’importance représentent la tendance réformée, un spiritualisme plus sobre, plus réfléchi, plus moderne ; nous en indiquerons deux venues au jour vers le même temps, l’une au centre, l’autre au sud de l’empire. La première a été découverte en 1871 dans la ville de Kalouga parmi les mestchanie, c’est-à-dire parmi la classe inférieure de la population urbaine. Le fondateur de cette secte, qui se prêchait dans les traktirs et les cabarets, est un cordonnier du nom d’Ivan Tikhanof ; sa doctrine est l’abrogation des offices, des cérémonies, des sacremens. Ces sectaires disent que le baptême donné aux enfans est sans valeur, la confession faite au prêtre inutile, l’eucharistie une illusion ; ils disent que baptême, confession et communion doivent être spirituels et sans intermédiaire de Dieu à l’homme. Ce cordonnier enseigne que la vraie religion n’admet que le culte de l’esprit ; la prière, la parole des lèvres est elle-même trop grossière, trop matérielle, pour servir de moyen de rapprochement avec la Divinité. Les aspirations de l’âme et les soupirs du cœur sont la seule offrande, la seule prière digne d’elle. Conformément, à cette doctrine, c’est par de fréquens et longs soupirs que les disciples du cordonnier de Kalouga rendent hommage à Dieu et s’unissent à lui, ce qui leur a valu le nom de vozdykhantsy ou soupireurs. L’étrange conclusion de ce rigide spiritualisme, cette sorte de confusion des aspirations de l’âme et des inspirations de la poitrine nous fait encore retrouver chez les chrétiens spirituels de Kalouga le naïf et secret réalisme russe.

De toutes les sectes écloses dans ces dernières années, la plus remarquable est celle des stundistes du sud. A l’inverse des communautés que nous venons de signaler et qui restent confinées dans les environs des villes ou des villages où elles ont vu le jour, les stundistes se sont rapidement répandus sur la surface de plusieurs