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du Saint-Laurent. Sur les bords du lac Erié, il fut saisi par les Mohawks, qui faisaient partie de la confédération iroquoise, et vit les Hurons qui l’escortaient brûlés vifs. Il n’échappa lui-même à ce supplice que grâce à une rançon que payèrent généreusement pour lui les Hollandais, qui colonisaient alors le haut de la vallée de l’Hudson aux environs de Fort-Orange, appelé depuis Albany.

Dix-huit ans après la mort de Raimbault et la délivrance miraculeuse de Jogues, un autre jésuite, le père Mesnard, quitte à son tour la maison provinciale de Québec, arrive au saut, pénètre dans le Lac-Supérieur, en longe la rive méridionale, découvre la baie et la presqu’île de Keweenaw, et meurt en 1661 en essayant de franchir le portage au sud de cette presqu’île. Le père Allouez suivit de près les traces de Mesnard. En 1666, il pénétrait dans le Lac-Supérieur, traversait heureusement le portage de Keweenaw, et de là, longeant toujours le bord méridional du lac, arrivait aux îles des Apôtres et à la pointe du Saint-Esprit, où il établissait une mission, enfin à l’extrémité occidentale du Lac-Supérieur, qu’il appela « Fond-du-Lac. » Il y rencontra les Sioux, qui lui confirmèrent l’existence du grand fleuve Messepi, déjà reconnu par le trappeur Nicollet, et sur les rives duquel pullulaient les castors.

La route du Lac-Supérieur était désormais ouverte. En 1668 vinrent les pères Dablon et Marquette, qui dressèrent la carte de toutes les régions nouvellement explorées. Le père Dablon rentra bientôt à Québec, où il venait d’être nommé directeur de la maison provinciale de l’ordre, et Allouez retourna sur les lacs. Il était temps pour la France de prendre solennellement possession des découvertes qu’elle venait de faire. En 1671, au milieu d’un immense concours de tribus appelées de toutes parts, eut lieu, au saut Sainte-Marie, une cérémonie imposante. M. de Saint-Lusson, délégué du gouverneur du Canada, fit planter une croix sur la colline qui dominait le village des Chippeways ; à côté, sur un poteau de cèdre, on cloua l’écusson de France. La croix fut bénie avec tout le cérémonial usité en pareil cas ; on entonna des hymnes, on pria pour le roi, on fit des décharges de mousqueterie. A la fin, le père Allouez adressa aux Peaux-Rouges un discours imagé que l’interprète, un vieux traitant canadien, un « bois brûlé, » leur traduisit phrase par phrase. La puissance et la gloire du grand chef qui commandait au-delà des mers, et dont les sachems présens étaient désormais les vassaux, y étaient hautement célébrées. Ce discours fit une vive impression sur les Indiens, et ils laissèrent la France se proclamer maîtresse de tout ce pays.

Il restait à rejoindre et à explorer le Mississipi. Ce fut le père Marquette qui eut cette gloire. En 1673, il aborda le grand fleuve par l’ouest en partant du lac Michigan, comme l’avait déjà fait