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du South-Mountain avant que Harpers-Ferry se soit rendu, avant que Lee ait pu rassembler son armée divisée. Cependant les fédéraux, plus nombreux, pleins d’ardeur et habilement conduits, l’emportent bientôt de toutes parts. À gauche, l’effort principal est fait par la division Wilcox, qui enlève les pentes au-dessus de la grande route ; elle est soutenue par la division Sturgis, et plus tard par celle de Rodman, tous deux appartenant au corps de Reno. Toutefois de ce côté le succès des unionistes n’est pas décisif, car ils ne sont pas maîtres de la seconde arête, au pied de laquelle ils se battent encore aux approches de la nuit ; mais le terrain qu’ils ont conquis au nord du champ de bataille les rend maîtres du passage. En effet, Meade, à droite, et Hatch, à gauche de la route de Hagerstown, ont tout enlevé devant eux. Le combat a été vif, on s’est fusillé de près, on a escaladé des pentes abruptes ; longtemps arrêtée dans une clairière remplie de roches, derrière lesquelles s’abritent les tirailleurs ennemis, la division Hatch a enfin surmonté tous les obstacles. Au centre, Gibbon s’est élevé, par la grande route, jusqu’à l’entrée du défilé et a engagé un combat où il a fini par avoir l’avantage. Enfin la première arête a été conquise, ainsi que le mamelon qui la commande. La seconde arête, dominée aussi, est donc tournée, et avec elle toute la position de Longstreet. Quelques heures de jour encore, et Mac-Clellan, qui voit déjà arriver le corps de Sumner, pourrait passer la montagne et infliger à son adversaire un échec irréparable ; malheureusement il est sept heures du soir, et nous sommes au 14 septembre : l’obscurité enveloppe bientôt les vallons et les crêtes du South-Mountain. On combat encore à gauche, et les fédéraux font en cet instant une perte sensible : Reno, officier brave et intelligent, est tué par un tirailleur ennemi. Peu à peu le feu s’éteint dans les ombres de la nuit, et de part et d’autre l’on ne peut plus gagner de terrain. Bientôt après Sumner, passant en première ligne, vient remplacer les troupes de Burnside sur le terrain qu’elles avaient conquis.

Le combat de Turners-Gap avait coûté aux fédéraux 312 hommes tués, 1,234 blessés et 22 prisonniers, aux confédérés à peu près autant de tués et de blessés, et de plus 1,500 ou 1,600 prisonniers. C’était pour Mac-Clellan un succès important, qui rendait confiance à ses soldats et lui ouvrait en même temps l’entrée de la vallée de l’Antietam, où il espérait atteindre son adversaire avant que Jackson fût revenu de Harpers-Ferry. S’il avait pu commencer plus tôt la bataille, il eût fait éprouver à Hill isolé un échec bien plus sérieux, et, maître avant la fin du jour des passages du South-Mountain, il aurait définitivement prévenu la jonction de ses adversaires ; mais le général fédéral ne pouvait prévoir les défaillances qui