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quartier-général à Frederick. Il adressait de là une proclamation au peuple du Maryland pour lui expliquer l’invasion d’un état qu’il voulait traiter en ami, quoiqu’il ne se fût pas légalement adjoint à la confédération, et pour obtenir, par un appel à ses sentimens, les secours en hommes et en matériel dont il avait un si grand besoin. Dans ce style noble et simple dont il avait le secret, et qui contrastait avec les violences de langage de M. Davis, il se présentait comme un libérateur, mais déclarait ne vouloir en rien contraindre les volontés de l’état souverain dont il foulait le sol. Le peuple du Maryland prit sa parole au pied de la lettre et ne bougea pas. Les familles des émigrés lui témoignèrent seules une bruyante sympathie. Si la majorité était indifférente, le parti unioniste était nombreux et ne cachait pas ses sentimens, tandis que les rares sécessionistes, peu enchantés de la visite de libérateurs affamés et prévoyant leur prochain départ, ne voulaient pas se compromettre par des démonstrations en leur faveur. Les confédérés, étonnés de cet accueil, accusèrent naturellement leurs frères du Maryland de lâcheté et de trahison.

Lee toutefois ne perdait pas son temps. Pour menacer la Pensylvanie, en s’éloignant de Washington, il fallait qu’il s’appuyât sur la vallée du Shenandoah, — cette route flanquée de deux gigantesques murailles parallèles, qui s’enfonce jusque dans le cœur de la Virginie. Au moment de la bataille de Manassas, elle était occupée à son extrémité septentrionale par 12,000 ou 13,000 fédéraux, dont 4,000 à Winchester, sous le général White, et le reste à Harpers-Ferry, sous le colonel Miles. Dès le 3 septembre, à la nouvelle de la marche de Lee sur le Potomac, White évacuait Winchester et se retirait à Martinsburg. Miles et lui s’étaient trouvés coupés de Washington par les troupes de Jackson, qui avaient passé le fleuve aux environs de Leesburg ; mais ils n’avaient qu’à le traverser eux-mêmes et à entrer dans le Maryland pour éviter d’être enveloppés par l’ennemi et pour se joindre aux forces qui s’organisaient à son approche sur les frontières de la Pensylvanie. Une fois l’armée confédérée sur l’autre rive du Potomac, Martinsburg et Harpers-Ferry n’avaient plus aucune valeur et ne protégeaient plus rien. Toutes les troupes qui restaient sur la rive virginienne étaient donc sûres d’être coupées, bloquées et promptement faites prisonnières, sans autre avantage que d’inquiéter pendant quelques jours les communications de Lee : aussi les confédérés ne s’en occupaient-ils même pas, bien convaincus qu’elles ne seraient pas assez imprudentes pour s’attarder sur la rive droite du Potomac. Ils avaient compté sans le général Halleck. Celui-ci avait conservé son autorité directe sur les troupes de White et