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Un grand d’Espagne, don Miguel de La Cruz, conspire avec les comtes de Hornes et d’Egmont la liberté des Flandres. Don Miguel depuis longtemps aime une femme, la femme de son meilleur ami, Carmen, duchesse d’Alcala, qu’aussi le roi Philippe II poursuit d’un amour obstiné. À la tyrannique obsession du prince, comme au penchant qui l’entraîne vers le comte de La Cruz, la duchesse a courageusement résisté, quand Philippe II, pour avoir le champ libre, et mêlant à l’amour les jeux d’une politique sanguinaire, imagine de confier au duc je ne sais quelle mission équivoque dont il y a lieu d’espérer qu’il ne reviendra jamais. Le duc, sujet trop fidèle, part en remettant au comte de La Cruz, sous la foi du serment, le soin de son honneur. L’impertinence ne laisse pas que d’être brutale pour la duchesse, qui l’entend, et devant la cour assemblée qui les écoute. Cette succession de scènes traînantes, où l’action presque chaque réplique est entrecoupée de tirades sur la bassesse des courtisans, la fragilité de la femme, et d’autres choses encore, forme l’exposition. Il faut rendre dès à présent cette justice à M. de Porto-Riche, que des qualités de l’auteur dramatique il possède au moins celle que nous appellerons le courage du lieu-commun.

L’amour de la duchesse a grandi, le comte de La Cruz, pour ne pas trahir son serment, a besoin de toutes ses forces et de sa pensée ramenée vers la grandeur de son entreprise politique. Ferme jusqu’alors contre les assauts de la duchesse, qui, dans un langage dont la violence déclamatoire ne déguise pas l’impudeur, le somme de tenir les promesses de l’ancien amour, de s’emparer d’elle et de la déshonorer, il se résout à partir pour les Flandres sans qu’on voie clairement si c’est le fanatisme politique ou l’effroi de la tentation prochaine qui décide sa résolution. Aussi bien semble-t-il que ce soit une manière plus honnête, mais non pas moins certaine, de violer la religion du serment que d’aller rejoindre à Bruxelles ce pauvre duc d’Alcala. La duchesse, usant du pouvoir qu’il paraît que sa vertu n’a pas dédaigné de prendre sur le cœur du roi, voulant à tout prix garder le comte auprès d’elle, sollicite pour lui le commandement de la garde royale et l’obtient. Il faut croire qu’à la cour d’Espagne ce n’était pas, comme ailleurs, donner au prince qui vous assiège de son amour le droit de tout oser que de réclamer une faveur de lui ! Soupçonné par ses complices, don Miguel leur donne un écrit par lequel il fait promesse solennelle de dévouer tout son sang à la cause de l’insurrection, n’acceptant la charge que pour surveiller de plus près, et, s’il le faut, assassiner Philippe II. Il n’en repousse pas moins brutalement l’amour de la duchesse, qui se venge en devenant la maîtresse du roi. Ici finit le second acte : on y admire surtout la robe de Mlle Rousseil. Sur ces entrefaites, le roi, qui veillait dans l’ombre, fait saisir les conjurés : sur l’un d’eux, on retrouve le billet signé du comte de La Cruz. C’est en présence de la duchesse qu’on le remet au roi comme il proposait à sa maîtresse, lui, Philippe II, d’aller