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a déjà embrassé dans ses études le sol tout entier, que nos ingénieurs se sont occupés à la fois des routes, des canaux, des rivières, des lignes de chemins de fer, des phares et des ports. » Cette vue idéale n’a pas été un instant perdue par l’homme éminent et intègre aux yeux de qui elle était apparue. En dépit des obstacles que l’inexpérience, l’esprit de parti ou l’égoïsme local lui ont souvent suscités, le système unitaire de nos grands travaux exécutés sous la conduite et avec le concours du gouvernement n’a cessé d’être pratiqué. Sous l’empire, un des plus chers élèves de M. Legrand et son successeur à la direction des ponts et chaussées et des chemins de fer, M. de Franqueville, a pu en suivre l’application sur une vaste échelle et avec des moyens d’action plus puissans, dont le principal a consisté dans la garantie d’intérêt sagement distribuée aux entreprises privées pour lesquelles le crédit de l’état devenait nécessaire. Nous ne pouvons ici et tout à fait incidemment traiter ces grandes questions de notre système de voies de communication, dont de récentes publications et entre autres le savant travail de M. Léon Aucoc ont retracé quelques phases. Rappelons seulement les avantages que procurent à un pays l’esprit de système et la conception d’ensemble dans les entreprises de chemins de fer, et gardons-nous d’oublier les leçons du passé au moment où la question du développement de nos chemins de fer prend une nouvelle importance et présente encore plus de difficultés.

Il faut rendre au gouvernement de la reine Isabelle la justice que méritent également plusieurs de nos voisins ; il avait voulu, lui aussi, dans la création des chemins de fer, arrêter un plan et suivre un système. C’est ainsi qu’il avait classé à divers titres les lignes d’intérêt politique et général et celles d’intérêt local seulement. Aux premières étaient réservées les subventions de l’état, aux secondes les secours provinciaux. Malheureusement le trésor espagnol n’a jamais pu jouir de ressources suffisantes, et le système général des chemins de fer s’est réduit à deux lignes importantes, sur lesquelles d’autres petites sont venues s’embrancher, mais qui ont laissé la plus grande partie du territoire privée de ce puissant moyen de communication.

Il y a en Espagne vingt-deux compagnies de chemins de fer dont le capital s’élève à plus de 700 millions en actions et un peu plus en obligations, sans compter des dettes flottantes assez importantes. Les subventions accordées par le gouvernement dépassent 357 millions ; d’après le dernier compte-rendu de l’exploitation des chemins de fer de l’Europe, publié en 1874 par notre ministère des travaux publics, ces vingt-deux compagnies embrassaient 5,840 kilomètres en 1870 : il n’en a guère été construit depuis lors. Pour