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de ces propriétés à vendre ? De 1855 à 1872, le total des ventes a dépassé 1,560 millions, dont 130 ont été payés comptant et 1,430 réglés en pagarès. Le créateur des bonos (titres représentant les ventes à faire des biens nationaux, destinés par conséquent à être amortis au fur et à mesure de ces ventes), M. Figuerola, estimait en 1868 que la valeur des biens désamortis non vendus du patrimoine de la couronne, des forêts et mines de l’état dépassait encore 450 millions ; mais dans ce dernier article figurent les mines de cuivre de Rio-Tinto, aliénées depuis en toute propriété à une société anglaise ; de plus le patrimoine de la couronne, porté pour 160 millions, ne sera pas mis en vente ; enfin le produit des mines d’Almaden a été donné en nantissement pour un prêt fait par M. de Rothschild ; restaient donc 200 millions environ de biens nationaux, suivant l’évaluation de M. Ruiz-Gomez, dont la plus grande partie a été aliénée dans ces derniers temps.

De 1869 à 1872, les ventes étaient en moyenne de 100 millions par an ; en 1872, elles sont tombées à 50 ; depuis on en ignore le chiffre. — La ressource des pagarès ou des titres correspondans venant à s’épuiser, le produit des mines les plus riches étant engagé, à quels procédés n’a-t-on pas eu recours pour atténuer le découvert ? La première chose à faire était de suspendre le paiement des intérêts de la dette en tout ou en partie. Dès 1873, le trésor n’a plus payé en numéraire que le tiers des arrérages de la rente consolidée, donnant pour le surplus des titres de rente à 50 pour 100, quand le cours était de 20 à 25 francs : à partir de 1874, il n’a plus rien payé du tout. Le paiement des intérêts en rente constituait déjà un emprunt forcé indirect, on a eu recours directement à ce mode de battre monnaie ; un emprunt national de 175 millions, avec répartition forcée entre les contribuables, a signalé les derniers jours de l’existence des cortès ; mais, comme la rentrée ne pouvait s’en opérer, la chambre autorisa le gouvernement à se procurer 100 millions comme il pourrait. Après des essais tout à fait infructueux de nouveaux impôts, la seule manière dont il a pu obtenir quelque ressource a été l’affermage du droit de timbre, la création de 3 pour 100 intérieur sans contrôle, et la prorogation indéfinie de tous les engagemens du trésor avec intérêt au taux uniforme de 12 pour 100 ; en fait, à l’exception des dépenses militaires, tous les autres paiemens ont été suspendus.

La prolongation de la guerre civile, le conflit que rien n’apaise entre l’Espagne et l’île de Cuba, justifient en grande partie cette persistance d’un déficit annuel qu’aggrave encore la nécessité de recevoir, en acquit des emprunts émis ou des biens nationaux achetés ou même des contributions à payer, les titres de toute nature