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puissant, un teint frais et rosé. Eh bien ! ce qui frappe le nouveau-venu dans les lieux élevés du Mexique, c’est bien plutôt le calme habituel, l’aménité douce et tranquille, l’air reposé et méditatif des hommes de ces régions ; un teint pâle ou jaunâtre, des muscles peu accusés, n’annoncent ni une vigoureuse hématose, ni des forces développées par une vie active. Cette première impression d’un affaiblissement produit par le climat se confirme par un séjour prolongé. Tout semble prouver qu’un état anémique général domine la santé comme les maladies des habitans de ces hautes contrées. La mortalité des enfans y est de 30 pour 100 dans la première année qui suit la naissance, bien que l’allaitement naturel y soit la règle dans toutes les classes de la société. Malgré la douceur uniforme de la température, on constate chez les malades une faiblesse de réaction en accord parfait avec le tempérament pauvre de toute la population.

Les premiers essais que fit M. Jourdanet pour vérifier ce soupçon d’une anémie générale des montagnards mexicains ne furent point couronnés de succès. Des saignées pratiquées sur des individus présentant l’aspect qui révèle d’ordinaire un sang appauvri lui fournirent un liquide où les globules rouges existaient en proportion normale, et il dut constater également l’absence presque complète d’un autre symptôme qu’on appelle le souffle carotidien. Il en était là de ses doutes lorsque, pendant une opération qui divisait une grosse artère, la couleur peu rutilante du sang qui s’en échappait fixa son attention sur la désoxygénation évidente de ce liquide. Cette observation l’amena sur la voie d’une explication rationnelle des phénomènes que présentait cette espèce particulière d’anémie. Les symptômes étaient toujours dus à la diminution de l’oxygène du sang ; mais cette diminution, au lieu d’avoir pour cause l’abaissement du nombre des globules chargés de retenir l’oxygène, était le résultat d’une condensation insuffisante de ce gaz sous une trop faible pression de l’air. Pour désigner cet état d’appauvrissement du sang, M. Jourdanet propose le mot d’anoxyhèmie.

Les vues du savant praticien, communiquées dès 1863 à l’Académie de médecine de Paris, ont reçu tout récemment une confirmation éclatante par les expériences de M. Paul Bert sur les effets des variations de la pression barométrique. Ces expériences, entreprises à l’instigation de M. Jourdanet, ont été faites au laboratoire de la Sorbonne. De petits animaux étaient placés sous des cloches de verre de capacités graduées, où l’air pouvait être raréfié de manière à en laisser dans chaque récipient la même quantité absolue, mais à des tensions de plus en plus faibles. Au bout d’un certain temps, on constatait la mort des sujets par asphyxie, et l’on analysait l’air confiné dans les récipiens. Il se trouvait qu’à la pression normale d’une atmosphère l’oxygène de cet air était toujours en grande partie épuisé : au lieu de 21 pour 100 (proportion normale), il n’en restait plus que 3 ou k pour 100 ; à des pressions moins