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peu séparés du public, ils semblent considérer que désormais tout est pour le mieux. Ils prennent volontiers pour des conditions naturelles ou des nécessités de gouvernement leurs préoccupations personnelles, leurs arrangemens, leurs discussions sur les petites choses, leurs rivalités intimes. Ils se laissent absorber dans une vie affairée et stérile : ils continuent la tradition, et ils ne s’aperçoivent pas que ces habitudes d’autrefois ne sont plus de mise aujourd’hui. Ils ne voient pas que tout est changé, qu’à des circonstances nouvelles il faut un esprit nouveau, que les nécessités publiques pressent de toutes parts, que le pouvoir est un instrument dont on doit se servir sans hésitation, sans préoccupations méticuleuses ou complaisantes, pour la réorganisation du pays. C’est le gouvernement qu’appelle la France. À ce gouvernement, elle ne demande pas de discuter sur des euphémismes, sur les expressions d’une circulaire ou sur les élections partielles ; elle lui demande de se rendre compte de ses hautes et sévères obligations, d’imprimer partout une direction visible, sensible, de chercher son appui dans l’opinion éclairée et conduite plutôt que de se fier à tous les petits moyens équivoques ou inefficaces ; elle lui demande d’agir avec calme, mais avec résolution, avec une patiente et persévérante énergie dans une situation où il reste assurément beaucoup à faire pour le complément de cette organisation constitutionnelle qui vient d’être votée, pour le développement du travail, pour nos budgets en déficit, pour notre armée engagée dans une crise toujours difficile de transformation. C’est là l’œuvre nécessaire, pressante, que le gouvernement doit poursuivre d’un esprit libre de préjugés ; il n’a qu’à parler au pays virilement, avec confiance, il est bien sûr d’être entendu, de rallier toutes les bonnes volontés et de dominer les partis hostiles qui chercheraient encore à lui créer des difficultés.

À cette France ainsi faite, livrée aux soins intérieurs de sa reconstitution, de la réparation de ses désastres, que parle-t-on de « perspective de guerre, » de préparatifs belliqueux par lesquels elle menacerait la paix de l’Europe ? Où a-t-on découvert la moindre circonstance qui ait pu servir de prétexte à ces bruits, à ces inventions, à ces accusations, dont un journal allemand s’est fait le propagateur ? Si on veut dire que la France n’a point désespéré d’elle-même, qu’elle travaille à se refaire, qu’elle est résolue à rester la France, qu’elle est disposée à ne refuser aucun sacrifice, cela est bien certain ; on n’a pas eu besoin d’une extrême perspicacité pour le découvrir. Ces quatre années qui viennent de s’écouler ont prouvé ce qu’il y a dans notre pays de vitalité, d’énergie laborieuse et de bonnes intentions.

Ceci, c’est la vérité, que la France n’a point certes à cacher, et qui apparemment n’a rien d’agressif. Tout le reste n’est qu’un tissu d’interprétations artificieuses pour arriver à prouver qu’en France tout est disposé pour une prochaine prise d’armes. Il n’y a qu’un malheur, de tout ce qu’on dit rien n’est vrai. Le gouvernement français ne fait point