Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/950

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La circulaire de M. Dufaure, au bout de toutes ses aventures plus ou moins imaginaires, reste ce qu’elle est, ce qu’elle devait être, un exposé parfaitement net de la politique nouvelle, affirmant l’autorité de « l’ordre définitivement établi, » invitant les magistrats à faire respecter les lois, « surtout celles qui ont un caractère constitutionnel, » signalant la propagande bonapartiste, de même que toutes les autres propagandes qui seraient une atteinte à la légalité. La magistrature a là sa direction toute tracée, sa règle de conduite dans la situation nouvelle, et ce que M. Dufaure a cru devoir faire pour la magistrature, M. le ministre de la guerre l’avait fait dès les premiers jours dans ses communications avec les chefs de l’armée. La circulaire de M. le général de Cissey devait, à ce qu’il semble, rester « confidentielle, » elle n’a point échappé naturellement à une de ces divulgations détournées qui sont à l’usage des documens secrets. M. le ministre de la guerre n’avait certes aucune raison de cacher ses instructions ; son langage est aussi correct et aussi décidé que possible, il va droit au but. M. le général de Cissey parle en soldat, faisant la part des convictions intimes ou des souvenirs que chacun peut conserver au fond de son cœur, mais exprimant résolument la volonté qu’aucun des serviteurs de l’état placés sous ses ordres « ne contribue par ses paroles, par ses écrits ou par ses actes à des manifestations hostiles à la constitution qui vient d’être adoptée par l’assemblée nationale. » Voilà donc l’armée fixée comme la magistrature. Ce qu’il y a de plus curieux en tout ceci, c’est que le ministre aurait pu évidemment s’assurer plus tôt le bénéfice de la netteté de sa politique et éviter des méprises d’opinion, puisqu’il est bien clair aujourd’hui qu’il n’y avait ni hésitation ni doute dans son esprit au moment où des polémiques impatientes le gourmandaient déjà sur ses tergiversations et le pressaient de s’expliquer.

Les explications, elles ne manquent plus certainement. A côté des circulaires, ce sont les discours de M. le ministre de l’instruction publique dans une réunion des sociétés savantes à Paris, de M. le vicomte de Meaux, ministre du commerce, à Saint-Etienne. M. Wallon avait en vérité un titre tout personnel pour parler de la constitution nouvelle ; c’est lui qui l’a aidée à venir au monde et qui lui a donné le baptême, il doit la connaître mieux que tout autre. À ces savans réunis en pleine Sorbonne pour entendre son rapport sur la base d’un édicule hexagone découvert à Angers, M. Wallon a expliqué ce que c’est que la république nouvelle, — une république « que l’assemblée nationale a trouvée établie en fait sur les ruines de l’empire, » — et qui « vient de recevoir, par le vote des lois constitutionnelles, un caractère plus défini, sans fermer la porte aux réformes, aux transformations mêmes de ce régime, selon que la volonté du pays régulièrement exprimée en disposera. » Cette république, telle que l’a voulue l’assemblée nationale, « a en elle la puissance de durer, ne proscrivant que deux choses qui ont été le fléau de