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que de poursuivre cette enquête statistique. D’ailleurs sous le nom général de truffe on confond des espèces bien différentes par leurs caractères botaniques et par leur valeur culinaire ; il ne sera pas sans intérêt d’en faire en gros le triage, et du même coup de marquer l’extension géographique des plus importantes en les classant d’une façon toute pratique en truffes d’hiver, truffes d’été, truffes bâtardes et fausses truffes.

Parmi les truffes noires d’hiver, il en est deux comestibles par excellence que l’on a longtemps confondues sous le nom de tuber cibarium : l’une est appelée mélanospore, à graines noires, à cause de la couleur foncée de ses germes, d’où résulte la teinte très obscure noir rougeâtre ou violacée de la chair : la marbrure des veines aériennes s’y dessine sur la coupe en lignes fines et serrées, bordées elles-mêmes d’une ligne roussâtre, transparente par défaut de spores. L’écorce, d’un noir de jais, se relève en verrues polyédriques ; l’autre espèce, appelée brumale par Micheli, touche à la première par son aspect extérieur et par ses spores hérissées de fines pointes : elle en diffère par la marbrure des veines blanchâtres qui s’y dessine en lignes plus lâches, plus larges et souvent dilatées en espèces d’îlots variqueux. Ce sont ces deux espèces, souvent mêlées dans les récoltes et les marchés, qui forment en France la base du commerce de la truffe ; identiques aux yeux et au nez des profanes, elles constituent néanmoins pour les botanistes, les truffiers et les gourmets deux types tout à fait distincts.

La mêlanospore ou truffe du Périgord, pour lui conserver un nom classique en gastronomie, est répandue dans toute la zone truffière de l’Italie, de l’Espagne et de la France ; elle remonte même jusqu’en Angleterre, à Rudloe, dans le Wiltshire ; mais, là comme à Paris, comme à Magny en Vexin, comme sur divers points de la Saxe et de l’Autriche, la présence de cette truffe n’a qu’un intérêt de curiosité. Dans le sud-est, le sud et le sud-ouest de notre pays, c’est l’espèce dominante : un arôme sui generis en fait les délices des gourmets ; les Italiens seuls, Piémontais et Milanais surtout, lui préfèrent leur truffe grise alliacée, montrant par là combien les goûts sont souvent chose locale et préjugé de terroir. Il est vrai que, par une habitude fâcheuse, les Piémontais recueillent cette truffe dès le commencement d’août, alors que, trop jeune encore, blanche en dedans, elle n’offre ni saveur ni parfum ; le nom d’osiengh ou truffe d’août qu’on lui donne dans cet état est aussi mal choisi que possible, car à l’état de maturité voulue la récolte s’en fait du commencement de novembre au milieu de mars, mais surtout autour de la période de Noël.

La truffe brumale est appelée en Lombardie tartufo nostrale di Norcia, sans doute parce qu’elle est déjà signalée par Césalpin