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quantité : voilà pourquoi les conserves en bouteilles, malgré les chances plus grandes d’altération, sont généralement préférées aux boîtes. C’est en Russie, en Amérique, dans les contrées lointaines, que ces produits sont principalement expédiés. Ils n’y peuvent donner qu’une faible idée de la valeur des truffes fraîches et constituent au fond pour l’art culinaire, hors la saison normale de ces champignons, un faute de mieux qui ressemble beaucoup à un pis-aller. Ceci soit dit non pour dénigrer un commerce dont l’importance est considérable, mais pour sauver auprès des gourmets la réputation des truffes, un peu compromise par les manipulations de l’art.

La statistique du commerce des truffes est de sa nature très difficile à établir, soit pour la France entière, soit pour tel département en particulier. Le tableau qu’en a publié M. Chatin n’est évidemment qu’une large approximation. On y trouvera néanmoins des détails pleins d’intérêt, notamment la preuve de l’importance des truffières naturelles du Lot, évaluées, année moyenne, à 3 millions, et surtout la prééminence de Vaucluse (3 millions 800,000 fr.), même sur le département voisin des Basses-Alpes (3 millions), où les truffières artificielles ont pris une large extension. Ce sont là, les très gros chiffres de la production truffière en France. Au plus bas de l’échelle, comme simple curiosité, on pourrait placer l’Ile-de-France, où, dans le courant du XVIIe siècle (1674), le droit de chercher des truffes dans le parc de Villetaneuse, près de Saint-Denis, était affermé au prix de 250 francs, plus 10 livres de truffes en nature ; après 1831, les truffières du bois de Vincennes, exploitées par des truffiers de Bourgogne, donnaient à l’administration un revenu de 80 à 100 francs ! Aujourd’hui les travaux et défrichemens faits par le génie militaire au-dessus de Charenton ont détruit presque entièrement ce coin de truffière, et c’est uniquement pour leur intérêt botanique que l’on cite les rares trouvailles de truffes au coteau de Beauté et à la terrasse de Charenton-le-Pont, sous les bouleaux ou les chênes du parc de Vincennes. Pour en revenir à Vaucluse, c’est-à-dire au plus grand centre de production truffière de la France, le marché d’Apt, en partie alimenté par les départemens voisins, est de tous le plus important. Il y a six ans, M. Bonnet y constatait l’arrivée d’environ 15,000 à 16,000 kilogrammes de truffes, celui de Carpentras n’en recevant alors directement que 800 ou 900 kilogrammes ; mais en revanche Carpentras est resté le centre du grand commerce, de l’expédition et de la préparation des conserves. M. Chatin n’y estime pas ce commerce à moins de 2 millions de francs ; dans l’ouest, à Périgueux, un seul négociant emploierait annuellement 2, 500 kilogrammes de truffes en conserves et 1,250 kilogrammes pour volailles ; cependant le produit total de la Dordogne n’atteindrait que 1,200,000. Ce serait chose fastidieuse