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canal de Bourgogne approfondi au mouillage de 2 mètres que demande la batellerie, il existerait alors de Marseille à Paris et au Havre, de la Méditerranée à la Manche, une voie fluviale d’un parcours rapide et régulier, d’une capacité que les chemins de fer, encombrés par les trains de voyageurs, n’atteindront jamais.

L’industrie des transports n’aurait plus à craindre les crises périodiques qu’engendrent à certaines époques l’arrivage des blés à Marseille et l’abondance des produits vinicoles dans le midi, crises qui suscitent une gêne universelle, comme on le vit pendant le deuxième semestre de 1871. Est-ce à dire cependant que les compagnies de chemins de fer, dont la prospérité ne saurait être compromise sans inconvénient, se verraient enlever une forte part de leurs bénéfices par la concurrence des voies navigables? C’est invraisemblable : ces compagnies y perdraient sans doute le trafic encombrant auquel elles ne peuvent suffire en ce moment; elles y gagneraient, — tel est du moins l’avis de M. Krantz, — par l’accroissement de leur clientèle en voyageurs et en marchandises de valeur, sur lesquels elles prélèvent des taxes élevées. On a déjà montré par un exemple quelle est, dans l’industrie des transports, la puissance de détournement des voies navigables. Voici d’autres chiffres qui en rendent encore témoignage. Le fret par navire à vapeur est de 25 à 30 francs la tonne entre Marseille et l’Angleterre par le détroit de Gibraltar; il ne peut descendre au-dessous de 40 francs par chemin de fer entre Marseille et Le Havre : aussi le trafic de transit à travers la France est-il insignifiant, tandis qu’un bateau bondé d’un plein chargement, à Marseille pour Le Havre, s’il pouvait accomplir ce trajet sans arrêt ni transbordement, aurait, suivant toute apparence, le double avantage de la vitesse et du bon marché sur la navigation maritime. Ce serait alors que notre beau port de la Méditerranée deviendrait réellement l’entrepôt de l’Europe occidentale.

Le bassin du Rhône communique avec la Loire par le canal du Centre, avec la Seine par le canal de Bourgogne, et ces canaux deviendront à peu de frais, par l’accroissement du mouillage, l’élargissement des écluses et quelques créations de nouveaux réservoirs d’alimentation, aussi parfaits que l’exige l’industrie actuelle des transports. Il communique encore avec l’Alsace par le canal du Rhône au Rhin, œuvre de nos ingénieurs, dont il ne nous reste plus qu’un tronçon. Il lui manquait d’être prolongé au nord vers la Flandre et la Belgique; une loi votée en 1874 vient de combler cette lacune en décrétant l’ouverture d’un canal parallèle à la nouvelle frontière entre la Saône, la Moselle et la Meurthe. Cette nouvelle voie part de Port-sur-Saône, s’élève au moyen d’écluses sur le faîte