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Creuser un canal de Bouc à Marseille sera au fond une petite affaire dès que de grands intérêts le réclameront. Ce canal, que M. Krantz trace le long du littoral en le maintenant à 3 mètres au plus au-dessus du niveau de la mer, puiserait dans la Méditerranée au moyen de pompes à vapeur son eau d’alimentation. La dépense n’en serait, paraît-il, que d’une dizaine de millions. Au contraire le canal latéral au Rhône, qu’il faudrait ouvrir entre Lyon et Arles, faute de pouvoir améliorer le fleuve, est une œuvre considérable. Il y a longtemps déjà que les ingénieurs s’en sont occupés. Un projet entre autres, dressé sous la restauration par M. Cavenne avec un soin minutieux, avait reçu l’approbation du conseil général des ponts et chaussées. Ce canal devait suivre la rive gauche, desservir les villes de Vienne, Valence, Montélimart, Avignon, et rejoindre le port de Bouc après un parcours de 318 kilomètres; la chute de 150 mètres était rachetée par 58 écluses. Maintenant les conditions sont changées; la rive gauche possède un chemin de fer qui lui suffit, car la population est surtout agricole. La rive droite est au contraire plus industrielle. Les usines de Rive-de-Gier, d’Annonay, de La Voulte, du Pouzin, les mines de Privas, les fours à chaux du Theil, réclament des transports à bon marché. Les montagnes de l’Ardèche, qui descendent jusqu’au Rhône, semblent ne laisser le long du fleuve aucune place pour un canal ; à cela, on répond que les terrassemens et les souterrains sont devenus des ouvrages d’une exécution facile et rapide depuis que l’on a construit tant de chemins de fer. De ce côté, les affluens sont de simples ruisseaux; sur l’autre rive, ce sont de puissans cours d’eau que l’on ne franchirait que par des ponts-aqueducs de dimensions considérables. Il y a de plus à considérer qu’un canal établi sur la rive droite fournirait de l’eau en abondance aux environs de Nîmes pour les irrigations, aux usines de toute cette région industrieuse, qui transformeraient les chutes en force motrice. Ce Rhône artificiel, roulant paisiblement ses eaux à 20 ou 30 mètres au-dessus de l’autre, servirait aux transports, alimenterait les industries les plus diverses et livrerait à l’agriculture vers son extrémité inférieure les eaux qu’il aurait en excès. Voilà bien des motifs pour mettre ce canal latéral au premier rang des œuvres utiles; mais quel en serait le coût? M. Krantz n’ose l’évaluer à moins de 300,000 francs par kilomètre, soit le double à peu près du prix de revient d’un canal ordinaire. Ce serait donc une dépense totale d’à peu près 90 millions. Qui l’entreprendra? L’état, les départemens riverains ou une compagnie concessionnaire? Ce ne serait pas trop du concours de tous les intéressés pour une œuvre de cette importance. Que l’on suppose encore les travaux d’amélioration achevés sur la Saône, l’Yonne et la Seine, le