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en Italie, et il a l’idée d’aller voir le dragon à l’île d’Elbe. L’empereur le reçut avec bonté ; « il était en uniforme, habit vert, culotte blanche, bas de soie. Je fus très frappé de sa contenance ; des yeux couleur de boue, une expression de ruse ; les beaux traits popularisés par les bustes et les monnaies, un sourire très agréable et très séduisant. » Ils causèrent pendant plus d’une heure : l’empereur semblait inquiet du sort qui lui serait fait ; il voulut savoir ce que pensait lord Holland de la situation de la France. Il demanda plusieurs fois si l’armée était contente, fit beaucoup de questions sur lord Wellington. Il avait de grands plans pour l’Espagne, mais n’avait pas eu le temps de les exécuter.

Après Waterloo, lord John est encore un homme du monde plutôt qu’un homme politique. Il fait la connaissance de Byron, qu’il appelle un « fanfaron de vices. » Il dit en passant, à propos de lui, que Moore aurait bien fait de ne pas détruire les mémoires du grand poète, dont il a écrit la biographie. Il les a lus, et n’y a rien trouvé qui outrageât la morale ; d’autre part, ces mémoires ne contenaient rien de bien intéressant. Il parle seulement d’une description poétique de la baie du Pirée, où Byron avait coutume de se baigner.

L’Angleterre, revenue de son grand émoi, cherchait des voies nouvelles. Les tories, oubliant la sage politique suivie par Pitt de 1784 à 1792, étaient hostiles à toute réforme, et Mme de Staël n’aurait plus pu dire d’eux que « les tories d’Angleterre sont les whigs de l’Europe. » Fidèle aux traditions de sa race, Russell épousa ce que toute sa vie il nomma la cause de la liberté civile et religieuse dans le monde. Les efforts des libéraux, sans être encore bien systématiques, se portaient sur trois points : l’abolition des droits prohibitifs et protecteurs, le rappel de toutes les lois qui consacraient des inégalités civiles ou politiques au détriment des catholiques et des dissidens, la réforme parlementaire. L’état de l’Irlande était aussi fait pour leur donner de continuelles inquiétudes. Ce beau rêve de libre échange, de pacification de l’Irlande, de tolérance et de réforme, avait été fait par Pitt et interrompu par de terribles événemens. Les passions conservatrices, exaltées par la victoire de Waterloo, encore bandées et défiantes, repoussaient toutes les idées nouvelles comme un fruit empoisonné de l’esprit révolutionnaire. Les tories étaient enfermés dans le pouvoir comme dans un château-fort, et ne voulaient pas abaisser les ponts-levis. Lord Liverpool, « un homme d’une intelligence très modérée, » dit lord Russell, était hostile à la réforme parlementaire et ne voulait pas entendre parler de catholiques en place ou dans les communes. Castlereagh avait quelque sympathie pour l’Irlande, mais il n’osait la faire voir. lord Russell parle avec un mépris mal déguisé de cet « orateur diffus, qui garnissait ses discours de métaphores obscures. » Canning