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En Angleterre, on a trouvé dans plusieurs localités des silex taillés accompagnés d’ossemens de grands pachydermes reposant les uns et les autres immédiatement sur le terrain glaciaire ancien till ou boulder clay. À Veyrier, village savoyard voisin de Genève, plusieurs observateurs ont recueilli des ossemens humains avec des silex taillés et des os travaillés appartenant au genre cerf, au renne, au bœuf préhistorique et au cheval, dans les alluvions en forme de terrasse qui ont succédé immédiatement à la période glaciaire. Près de Schussenried, non loin du lac de Constance, sur la route de Friederichshafen à Ulm, au milieu des moraines de l’ancien glacier du Rhin, un meunier, élargissant le canal de son moulin, trouve des silex taillés de main d’homme avec de nombreux débris de bois de renne, des os de glouton, de renard bleu, de l’ours des cavernes, du bœuf musqué, animaux tous relégués aujourd’hui dans les régions arctiques, dont le climat peut seul leur convenir. Ces débris reposaient sur le terrain glaciaire et étaient recouverts de tuf, de tourbe et de terre végétale, formations modernes postérieures au terrain sous-jacent. Comme celui de Veyrier, cet homme préhistorique vivait pendant ou immédiatement après l’époque glaciaire.

Nous pourrions multiplier ces exemples en énumérant les découvertes faites dans les nombreuses cavernes des Pyrénées, du Périgord et de l’Angleterre. Dans toutes, les restes de l’homme, qui taillait les silex, mais ne savait pas encore les polir, sont recouverts par le limon dit des cavernes, dont l’analogie avec la boue glaciaire est incontestable. Les silex taillés découverts dans le diluvium des environs d’Abbeville par M. Boucher de Perthes, la mâchoire humaine de Moulin-Quignon, viennent ajouter leur témoignage à ceux qui précèdent. En effet ce diluvium, évidemment antérieur à la seconde période glaciaire dans tous les pays où ces deux formations coexistent, est probablement du même âge dans les contrées où le diluvium se montre seul, comme dans la vallée de la Somme dont nous parlons. L’objection à l’existence de l’homme pendant l’époque glaciaire tirée de la rigueur du froid n’est pas un argument sérieux. Les habitans de Chamounix en Savoie, de Grindelwald et de Zermatt en Suisse, vivent au pied des glaciers. Il y a mieux ; les Esquimaux et les Groënlandais ne sont-ils pas les habitans de la période glaciaire actuelle ? Leurs instrumens de pêche et de chasse rappellent d’une manière frappante ceux dont nous trouvons les débris dans les cavernes où vivaient nos rudes ancêtres. Comme nos prédécesseurs du centre de l’Europe, l’homme arctique actuel fend les os longs des animaux pour en extraire la moelle. En résumé, si l’on ne veut pas faire remonter l’existence de l’homme jusqu’à l’origine des terrains tertiaires, comme des observations faites en Europe et en Amérique y autorisent, on peut du moins affirmer avec certitude