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idées de M. Heer. En exploitant comme combustible les lignites de Dürnten et de Wetzikon, à l’extrémité orientale du lac de Zurich, on a reconnu que ces lignites avaient été formés par des essences existantes en Suisse, le sapin, le pin sylvestre, l’if, le mélèze, le bouleau, le chêne, accompagnés de plantes marécageuses également communes dans les environs. Au milieu de ces lignites se rencontraient des dents d’éléphant, un squelette presque complet de rhinocéros avec un bœuf fossile et des dents de l’ours des cavernes. Ces animaux, tous disparus, parcouraient des forêts et hantaient des marécages dont la végétation est identique à celle de la Suisse actuelle ; le climat par conséquent devait ressembler à celui qui règne aujourd’hui dans ce pays ; mais ces lignites et ces fossiles reposent sur un terrain glaciaire ancien bien caractérisé, et au-dessus se trouve celui qui recouvre la plaine suisse tout entière. La période de froid n’a donc pas été continue, elle a été interrompue par une phase pendant laquelle les glaciers se sont retirés, et ont permis à la végétation de reprendre possession du sol. Des travaux récens, dus aux frères Geikie, ont prouvé l’existence de ces deux époques en Écosse. Le till ou argile avec cailloux rayés et coquilles glaciaires caractériserait la première période. Les terrasses et banquettes régulières indiqueraient une période d’affaissement pendant laquelle les glaciers arrivèrent au bord de la mer, où ils déposèrent des argiles plastiques, véritable boue glaciaire contenant des coquilles arctiques ; puis la partie du sol immergée se souleva de nouveau, les glaciers reculèrent, et édifièrent dans les vallées les moraines superficielles qui les barrent encore actuellement. M. James Geikie ne craint même pas d’admettre dans les îles britanniques plusieurs époques interglaciaires parallèles à celles de l’Europe continentale[1].

On voit combien ces phénomènes très récens, géologiquement parlant, mais qui se perdent déjà dans la nuit des temps, sont compliqués et difficiles. L’observation attentive, suivie de l’analyse la plus sagace, suffisent à peine à les débrouiller. Les gens du monde s’étonneront donc moins si les questions qu’ils adressent aux géologues de la nouvelle école restent le plus souvent sans réponse, et si les explications partielles qui leur sont données se terminent habituellement par un point d’interrogation. Les géologues théoriciens étaient plus affirmatifs ; rien ne les arrêtait, ils parlaient de la création du monde comme s’ils y avaient assisté, racontaient l’histoire de notre planète depuis son origine jusqu’à nos jours, allumant les volcans, creusant les mers, soulevant les montagnes,

  1. J. Geikie, On changes of climate during the glacial epoch, 1872.