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gues parisiens avaient remarqué dans le diluvium ou terrain de transport aqueux de Grenelle et d’autres localités voisines des blocs assez gros de granité du Morvan encore anguleux et d’autres roches étrangères au bassin parisien. Le limon qui recouvre les plateaux des environs de Paris offre beaucoup d’analogie avec le loess de la vallée du Rhin, dont l’origine glaciaire n’est pas douteuse ; des cailloux rayés ont été signalés dans ce limon parisien. Enfin à Padole et à Champceuil, près de Laferté-Aleps, M. Belgrand a reconnu, en dirigeant le tracé de l’aqueduc de la Vanne, que d’épaisses plaques de grès de Fontainebleau, recouvrant des collines de sables du même nom, étaient sillonnées par des stries rectilignes, sensiblement parallèles entre elles, et recouvertes sur une longueur de 40 à 50 mètres d’une mince couche de limon rouge. M. E. Collomb, si compétent en pareille matière, n’a pas hésité à reconnaître dans ces sillons superficiels des stries burinées par un glacier se mouvant suivant une direction perpendiculaire à la vallée de la Seine, qui probablement n’était pas encore creusée à cette époque. Enfin on a extrait des fondations de plusieurs maisons du faubourg Saint-Germain des blocs anguleux rappelant les blocs erratiques. Devons-nous admettre que l’humble Morvan, jouant le rôle des Alpes et des Pyrénées, ait jadis nourri des glaciers qui seraient venus jusqu’à Paris ? Je n’ose l’affirmer. Peut-être suis-je devenu conservateur avec l’âge après avoir été jadis l’une des sentinelles avancées de la petite phalange qui combattait en 1846 pour l’ancienne extension des glaciers contre la coalition de toutes les forces géologiques de l’Europe. Je ne sais, mais ma conviction n’est pas entière, et j’attends avec confiance le jour où l’on pourra dire sans hésitation si Paris repose sur un terrain glaciaire, ou bien si l’eau seule a charrié les cailloux qui remplissent le bassin de la Seine.

La Scandinavie tout entière, le Danemark y compris, a été envahie par les glaces pendant la période de froid. Comment s’en étonner quand on sait que cette grande péninsule touche aux régions arctiques où l’ère glaciaire règne encore ? Partout où la végétation ne les a pas envahis, on voit des rochers arrondis, moutonnés, polis et striés portant des blocs erratiques et entourés d’amas de cailloux rayés, de sable et de boue, résultat de la trituration des roches par les glaciers. M. Erdmann[1] a publié une carte de la partie méridionale de la Suède destinée à montrer que cette boue glaciaire couvre la plus grande partie de la péninsule ; celle-ci s’étant affaissée en partie sous la mer, cette boue a été remaniée par les eaux et contient de nombreuses coquilles qui presque toutes se retrouvent

  1. Des formations quaternaires de la Suède, 1868.