Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/856

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aux dépôts glaciaires qui remplissent la vallée de la Durance, et ces cailloux ont été en outre charriés par les eaux provenant de la fonte des glaciers alpins. Ce serait donc un étrange abus de mots d’appeler moraines les dépôts diluviens qu’on rencontre dans les vallées et les plaines de tous les pays ; aussi me permettrai-je de conseiller aux jeunes géologues désireux d’éviter ces méprises d’étudier d’abord attentivement les glaciers actuels avant de chercher à déchiffrer les traces souvent obscures et équivoques de ceux qui les ont précédés. C’est en suivant cette méthode logique et rigoureuse que Venetz, Charpentier, Agassiz, Desor, Tyndall et leurs collaborateurs ont porté la conviction dans les esprits les plus rebelles aux nouveautés scientifiques.

Les habiles géologues qui ont successivement décrit les montagnes de l’Auvergne ont cru pendant longtemps qu’elles avaient toujours été exemptes de glaciers. Ils inféraient de l’absence des traces qu’ils laissent après eux que, si ceux-ci avaient jadis existé, ces traces avaient dû être effacées par les éruptions volcaniques et les coulées de lave qui ont rempli les vallées. Cependant MM. Delanoue, Jullien et Ed. Collomb ont vu des moraines bien caractérisées aux environs de Murat, dans la vallée de l’Alagnon, et ailleurs des preuves d’une plus grande extension : découverte intéressante en ce qu’elle démontre que les dernières éruptions volcaniques auxquelles le pays doit son relief actuel sont encore antérieures à l’époque glaciaire.

Par leur latitude plus méridionale et leur faible élévation, les Cévennes et les montagnes de la Lozère semblaient devoir échapper à l’invasion glaciaire. Cependant, en cherchant sur la carte de l’état-major la vallée dont l’orientation et la forme devaient favoriser le mieux l’établissement d’un glacier dans les montagnes de la Lozère, je me décidai par des motifs purement théoriques pour la vallée de Palhères, au-dessus de Villefort, et j’y rencontrai en effet les preuves les plus incontestables de l’ancienne existence d’un petit glacier qui remplissait autrefois le cirque qui termine la vallée au pied du mont Lozère, élevé de 1,718 mètres au-dessus de la mer. M. Fabre, garde-général des forêts, a reconnu également que le plateau de l’Aubrac était autrefois couvert d’une calotte de glace dont les émissaires descendaient dans les vallées voisines.

Depuis longtemps, on avait signalé autour du massif granitique du Morvan, dont l’altitude ne dépasse pas 800 mètres, des blocs erratiques venus de loin, et au pied du massif, près de Pont-Aubert, sur les confins du département de l’Yonne, des accumulations de sable et de cailloux qui rappelaient la position, les formes et la composition d’une moraine terminale. Antérieurement les géolo-