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glaciaire, inaugurées dès 1839 dans la chaîne des Vosges, où les traces en sont évidentes. Toutes les vallées des Pyrénées portent l’empreinte plus ou moins visible du passage des glaciers. Après celle d’Argelez décrite la première, elles ont été toutes explorées sous ce point de vue. Les limites extrêmes n’en sont pas encore bien fixées. Dans cette chaîne comme dans celle des Alpes, on se trouve en présence des mêmes difficultés. Il y a eu au moins deux périodes glaciaires continentales, la première plus étendue que la seconde. Les limites de celle-ci sont parfaitement reconnaissables : ce sont des moraines frontales bien caractérisées, celle d’Adé par exemple. La limite extrême de la première est plus difficile à reconnaître ; les accumulations de terrain de transport que l’on trouve au-delà des moraines de la seconde période n’affectent plus la même forme. À la fonte de ces vastes nappes de glace, les matériaux meubles ont été transportés, roulés et remaniés par les eaux, les formes morainiques ont disparu, et il faut une grande attention et un examen répété pour distinguer un terrain glaciaire d’un terrain purement diluvien. Cela est surtout difficile au pied des Pyrénées, où les courans produits par la fonte des glaciers ont joué un rôle considérable et laissé après eux des cônes de déjection d’une grandeur inusitée que M. Cézanne a signalés le premier. Le plateau de Lannemezan, parallèle aux Pyrénées de Saint-Gaudens à Pau, se compose de sables et d’argiles contenant des blocs erratiques pyrénéens. Doit-on le considérer comme une ancienne moraine ? Y a-t-on reconnu des cailloux rayés, de la boue glaciaire, des ossemens de renne ou de rhinocéros laineux ? Peut-on affirmer en un mot que les eaux n’ont eu qu’une faible part à la formation de cette longue digue qui longe le pied des Pyrénées ? Des observations faites avec la même patience et la même sagacité que celles de MM. Chantre et Faisan aux environs de Lyon lèveraient tous les doutes à cet égard, Il y a des terrains de transport purement diluviens : les glaciers ne les ont pas formés ; seulement ils ont fourni les cailloux et le sable accumulés préalablement dans leurs moraines et l’eau, résultat de leur fusion. Ces terrains doivent être soigneusement distingués des dépôts glaciaires dont les matériaux ont été apportés et déposés directement par le glacier. Sans doute celui-ci est toujours en fusion pendant l’été, l’eau ruisselle à la surface, circule dans l’intérieur et sourd au-dessous de lui, il donne naissance à un torrent qui devient quelquefois un fleuve ; mais les effets dynamiques de l’eau sont faibles relativement à la puissance de transport et d’érosion de la glace solide. Si l’on ne restreignait pas la définition de la moraine, comme je propose de le faire, la Crau d’Arles serait une moraine, car ses cailloux ont été empruntés