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Agassiz et J. Forbes, ont été élucidées par Tyndall[1]. Pour lui, le poids des masses supérieures du glacier pressant sur les inférieures est la cause unique de leur progression ; il a montré de plus que la glace des glaciers est non pas plastique, comme le voulait Forbes, mais éminemment compressible, c’est-à-dire susceptible de diminuer de volume quand on la comprime et de prendre la forme du moule dans lequel on l’emprisonne. Sous cette pression, les parties séparées par des fentes ou des lacunes se resoudent et redeviennent une masse compacte et continue. Un géomètre anglais, M. Moseley, a cherché à faire intervenir comme facteur de la progression des glaciers les changemens de température des molécules de glace, dont la chaleur, transformée en mouvement, serait la cause principale de cette progression. Il s’appuie sur ce fait, que ces masses marchent plus vite en été qu’en hiver, et s’appuie sur des expériences personnelles exécutées dans le laboratoire. Les conclusions de ces calculs ont été réfutées par MM. Croll et Ball, qui supposent que le rôle de la chaleur, incontestable, mais inconnu, n’est qu’un adjuvant secondaire de la pesanteur. Le mode d’action de la température réclame donc l’attention des physiciens sédentaires et de ceux qui transportent leurs instrumens sur les glaciers eux-mêmes pour en étudier directement les phénomènes.

La progression plus rapide des glaciers pendant l’été et leur immobilité relative pendant l’hiver sont la cause des oscillations annuelles. En effet, pendant l’été, le glacier avance, mais en même temps il fond : la fusion contre-balance les effets de la progression. Si l’été est chaud, si des neiges abondantes tombées pendant l’hiver n’ont pas réparé les pertes que le glacier a subies pendant l’été, alors il semble reculer et remonter pour ainsi dire dans le couloir qui lui sert de lit ; c’est le phénomène dont nous sommes témoins en Suisse et en Savoie depuis vingt ans. En 1854, le glacier des Bossons dans la vallée de Chamounix s’était tellement avancé qu’il menaçait le village du même nom ; mais depuis cette époque, les hivers n’ayant pas été neigeux, les étés au contraire assez chauds, tous les glaciers des Alpes ont reculé. On ne les voit plus descendre dans les vallées au milieu des forêts, menaçant d’envahir les prairies et les cultures, tous se sont retirés dans leurs couloirs, et devant eux s’étend une surface dépourvue de toute végétation, nivelée, polie, striée et recouverte de pierres et de blocs. La moraine profonde, autrefois ensevelie sous le glacier, est maintenant à nu. En même temps que le glacier a reculé, la partie superficielle a fondu, le niveau s’est abaissé ; c’est ce qu’on nomme l’ablation. En 1865, j’ai

  1. Les Glaciers, Paris, Germer-Baillière.