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vers la mer, s’arrêtant tantôt sur une rive, tantôt sur l’autre, reprise plus tard par le courant jusqu’à ce qu’elle arrive à l’Océan, où elle s’engouffre. Si le fond du lit ne s’exhausse pas d’une façon durable, du moins il varie sans cesse; les passes navigables se déplacent, les bateaux trouvent un banc de sable à l’endroit où le chenal était ouvert quelques jours auparavant.

En somme, la Loire n’est pas navigable au-dessus d’Orléans, au-dessous elle l’est six mois de l’année tout au plus et encore avec de faibles chargemens. Le halage y est impossible à cause de la largeur du lit, comme le louage sur chaîne noyée, parce que les bancs de sable se déplacent. Les bateaux s’arrêtent la nuit et par les temps de brouillards à cause des sinuosités du chenal. Malgré tout, la batellerie subsiste encore entre Briare et le confluent de la Vienne; elle est fort active entre la Vienne et Nantes, preuve certaine qu’elle répond à des besoins auxquels le chemin de fer parallèle ne donne pas entière satisfaction. En amont de Briare, la navigation s’opère presque entièrement par le canal latéral.

Comment redresser un fleuve que la nature a doté de tant d’imperfections? On réussira tôt ou tard à le débarrasser des grèves qui l’encombrent en consolidant les berges dans la partie haute du bassin. Avec des barrages mobiles, on relèverait aussi le niveau d’étiage. Il resterait encore à combattre les crues, ce qui serait une entreprise bien autrement considérable. Ne serait-il pas préférable, tout au moins plus économique, de créer un canal latéral d’Orléans à Angers? On a objecté que ce canal ne desservirait que l’un des côtés de la vallée, que l’autre rive n’en profiterait pas, et qu’au surplus les travaux à exécuter, en particulier les ponts-aqueducs sur le fleuve ou ses affluens, seraient fort dispendieux. D’après M. Krantz, la Loire doit être abandonnée à elle-même au-dessus de la Maine; c’est en dehors de la vallée qu’il faut creuser les voies navigables qui remplaceront ce cours d’eau trop rebelle. Cet ingénieur trace donc sur la carte un canal d’Orléans à Vendôme ; puis il propose de canaliser le Loir, rivière tranquille dont le débit et la pente sont modérés : cette voie nouvelle, après avoir croisé la Sarthe et la Mayenne, débouche par la Vilaine dans le canal de Nantes à Brest. Ainsi s’ouvrirait d’Orléans à Redon, presqu’en ligne droite, un canal de 358 kilomètres de long qui traverserait une région agricole, exporterait à bas prix les produits du sol et rapporterait en échange les engrais dont ce pays a besoin. Un embranchement de Château-du-Loir à Tours desservirait cette dernière ville, dont les relations commerciales sont trop importantes pour être négligées.

Si la rive droite de la Loire est agricole, la rive gauche au contraire