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retrace l’histoire primitive des codes, des fictions légales, du testament, de la succession, de la propriété, du contrat et du droit de punir, et il en indique les rapports avec les idées modernes sur ces matières. Dans un autre livre, les Communautés de village en Orient et en Occident, il montre que la commune se retrouve avec des caractères semblables chez les principales branches de la race aryenne. Enfin, dans un volume récent sur l’Histoire primitive des institutions, il apporte à l’appui de ses idées un grand contingent de faits empruntés principalement aux anciennes lois irlandaises, connues sous le nom de Brehon Laws.

Jusqu’à ces derniers temps, l’étude comparée des vieilles coutumes présentait une grande lacune comme le dit sir H. Maine, aucun groupe de peuples n’offrait moins de souvenirs relatifs à l’histoire ancienne du droit que ceux d’origine celtique. Les Triades galloises d’une valeur si douteuse et quelques traits de mœurs notés par les historiens de l’antiquité, voilà tout ce que l’on connaissait. Ce qu’on vient de publier, c’est tout un ensemble de lois avec leurs commentaires, de vrais traités de jurisprudence de l’ancienne Irlande celtique. On le voit, c’est une véritable révélation, et depuis longtemps il n’y en a point eu de plus importantes pour l’histoire des idées juridiques.


I

Les Brehon Laws sont des recueils d’anciennes lois irlandaises qui ont été traduits et édités par deux savans morts depuis peu, les docteurs O’Donovan et O’Curry. Une commission scientifique est chargée de poursuivre cette publication. Trois volumes ont paru à Dublin, le premier en 1865, le second en 1869, le troisième tout récemment. D’après M. Whitley Stokes, l’un des plus éminens celtologues de notre temps, le plus important des recueils des Brehon Laws, le Senchus Mor ou « le grand livre de l’ancienne loi, » date du commencement du XIe siècle, et l’autre recueil, le Livre de Aicill, du Xe ; mais ces écrits s’attribuent une antiquité bien plus grande, et il est possible qu’ils aient été primitivement rédigés peu de temps après l’introduction du christianisme en Irlande, c’est-à-dire dès que l’on a commencé à y faire usage de l’écriture. En tout cas, ces lois contiennent des coutumes qui remontent à la plus haute antiquité.

Les brehons, qui ont donné leur nom à ces recueils de lois, offrent la plus grande ressemblance avec les druides de la Gaule tels que César nous les fait connaître. Ceux-ci étaient à la fois prêtres et magistrats ; ils jugeaient les crimes et les procès, et dans leurs