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révoltantes et malsaines que M. Zola semble prendre plaisir à prodiguer dans ses romans.

La Conquête de Plassans rentre dans le plan que s’est imposé l’auteur « de faire raconter le Second empire par ses personnages, à l’aide de leurs drames individuels. » Les politiques de Paris ont donné mission à certain abbé Faujas de convertir aux sentimens plébiscitaires la sous-préfecture de Plassans, et pour atteindre le but il n’est moyens honteux ou violens que le prêtre ne mette en usage. L’âpreté de son ambition, l’autorité despotique de son attitude et de son geste, la sécheresse de sa parole, la domination d’épouvante enfin qu’il exerce également sur son évêque et sur ses pénitentes, ont bientôt mis la ville à ses pieds. Cependant une pauvre femme, Marthe Mouret, le poursuit dans son triomphe de l’obsession affolée d’un amour que la muette complicité du prêtre a laissé croître dans le silence pour s’en servir comme d’un instrument, mais qu’il repousse avec une brutalité d’indignation sacrilège, — trop ambitieux pour succomber à la tentation de la chair : c’est autrement qu’il doit périr. C’est le mari de Marthe, qu’elle a fait enfermer comme fou, folle elle-même, qui, s’échappant de son cabanon d’aliéné, viendra de ses mains mettre le feu à sa maison, où demeure l’abbé Faujas, et tirer vengeance ainsi du prêtre qui lui a ravi, sans scrupule sa femme, ses enfans, son bonheur domestique, sa raison. Nous écartons de l’intrigue les détails odieux familiers à M. Zola, — nous aimons mieux dire qu’il y a parmi ces grotesques de petite ville des caractères pris sur le vif et rendus avec une remarquable exactitude : le sous-préfet Péqueur des Saulaies, le président Rastoil, le juge Paloque et sa femme, — nous aimons mieux nous souvenir qu’un souffle d’écrivain traverse de loin en loin ces pages, et qu’il y a tel tableau, celui de l’incendie par exemple et de la mort de Marthe, tracé avec une vérité saisissante et lugubre.

Mais quel monde que celui où M. Zola nous promène, et quelle imagination malade que celle qui prétend nous intéresser à des personnages qui ne sont pas seulement criminels ou vicieux (il dépendrait de l’art du romancier qu’on les supportât encore), mais franchement ignobles, ignobles dans les portraits qu’on en trace, plus ignobles dans la vulgarité des appétits qui les font mouvoir ! C’est heureusement sur une autre scène que nous transporte la Faute de l’abbé Mouret. Nous n’avions pas ouvert le volume sans quelque appréhension du terme où pouvait bien aboutir chez le fils de Marthe Mouret « la lente succession des accidens nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race à la suite d’une première lésion organique ; » nous avons été agréablement surpris d’y voir M. Zola revenir presqu’à l’idylle. Il y a des choses charmantes dans le récit des amours de Serge Mouret et d’Albine, et la nature vierge et sauvage qui les encadre est peinte avec une rare vigueur de touche. Malheureusement M. Zola persiste dans son procédé