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de 1868 tout s’est étrangement aggravé au-delà des Pyrénées, et de là précisément cette situation qui ne peut s’éclaircir en un jour ; de là les difficultés de ce règne naissant d’un jeune homme jeté brusquement dans tous les embarras, seul avec ses dix-sept ans, sa bonne grâce, et sa sœur, la comtesse de Girgenti, qui est allée le rejoindre, qui redevient maintenant princesse des Asturies. La question est de savoir quel caractère prendra ce règne nouveau à peine inauguré, et surtout comment il dénouera la guerre carliste.

Évidemment les choses ne sont ni simples ni faciles à Madrid. Le jeune roi Alphonse XII se trouve entre toutes les influences qui l’assiègent, qui sont en conflit autour de lui, jusque dans le gouvernement. La lutte est engagée entre la fraction la plus réactionnaire de l’ancien parti modéré, dont l’unique préoccupation est d’effacer impitoyablement tout ce qui s’est passé depuis 1868, et les libéraux qui, en rétablissant la monarchie bourbonnienne ou en l’acceptant aujourd’hui, veulent en faire une œuvre de transaction et de conciliation. C’est l’histoire de toutes les restaurations possibles. Que les anciens modérés, rejetés par la haine de la révolution vers un absolutisme plus ou moins avoué, cherchent à profiter de leur crédit auprès du roi et de l’infante, sa sœur, qu’ils s’efforcent de reprendre position dans l’armée, dans l’administration, et d’imprimer à la royauté nouvelle un caractère décidé de réaction, surtout dans les affaires religieuses, ce n’est point douteux ; ils ont déjà obtenu plus d’un succès, ils n’ont pas pu obtenir tout ce qu’ils désiraient. Alphonse XII est heureusement défendu par son éducation, par sa jeunesse, qui résiste, par les idées auxquelles il s’est accoutumé dans l’exil, en France, en Angleterre, et il est soutenu dans ces idées par l’homme qui a le plus sa confiance intime, par le président du conseil lui-même, M. Canovas del Castillo, qui reste le médiateur aussi actif qu’habile entre toutes les influences. Sans refuser des satisfactions aux vieux modérés, M. Canovas del Castillo met d’un autre côté tout son zèle à rallier des hommes de tous les partis, à créer autour du roi une sorte d’union libérale nouvelle. Le rapprochement est sensible et croissant. Le général Serrano est allé récemment chez le roi et chez l’infante, qui l’ont gracieusement reçu. Des pourparlers ont eu lieu, dit-on, avec d’autres personnages, notamment avec M. Sagasta, qui a été ministre d’Amédée et qui était du dernier cabinet de Serrano. Il y a peu de jours, Alphonse XII témoignait des attentions particulières au général Morionès, un des chefs militaires créés par la révolution, celui qui a le privilège d’exciter le plus les antipathies des modérés.

De ces deux politiques qui se combattent, quelle est celle qui l’emportera ? La plus prévoyante assurément est celle qui veut faire d’Alphonse XII le roi de la nation, de toutes les opinions, non d’un parti. Et ce n’est pas seulement de la prévoyance, c’est une nécessité. Quoique bien des choses aient changé, la monarchie qui vient de reparaître à Madrid se