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leurs opinions de la veille, de sanctionner de leur connivence où de leur tolérance ce qu’ils réprouvaient par leurs votes, de n’avoir pas encore exigé une foule de changemens. On les signale comme des déserteurs, et il y a même en vérité une autre manière d’essayer de les compromettre : c’est de les complimenter sur leur sagesse, de leur faire un mérite précisément de ces défections que d’autres leur reprochent, de les représenter comme des hommes qui font amende honorable de leurs erreurs en se ralliant enfin à la politique du 24 mai ; on dirait qu’il faut absolument qu’il y ait des vaincus, M. Buffet et ses amis ou M. Dufaure et M. Léon Say.

Eh bien ! admettez que ces dénigremens dissolvans, ces passions ou ces ruses de parti en vinssent à diviser les hommes, à démontrer l’impossibilité d’une alliance des opinions modérées qui s’est trouvée pourtant réalisée un jour par ce ministère, par l’élection de M. le duc d’Audiffret-Pasquier ; admettez qu’on obtînt cette victoire, qu’en résulterait-il ? Si M. Buffet et ses amis ou d’autres représentans des mêmes idées restaient seuls maîtres du pouvoir par une rupture nouvelle avec le centre gauche, auraient-ils une majorité aujourd’hui ? Supposez au contraire M. Dufaure, M. Léon Say et leurs amis triomphant par une circonstance quelconque, par un vote accidentel, au détriment de leurs alliés du centre droit, auraient-ils une situation beaucoup plus simple le lendemain ? Encore une fois tout serait mis en doute, ce serait le résultat de ce triste travail pratiqué par les animosités bavardes autour de ce ministère. Des hommes sérieux rapprochés sous l’influence d’un intérêt public supérieur ne voudraient pas certainement céder à ces pressions vulgaires ou se perdre dans des dissentimens de détail, ou écouter des susceptibilités personnelles. Ils ne sont point entrés ensemble au pouvoir pour se diviser sur une phrase plus ou moins vague d’une déclaration, sur le choix de quelques préfets ou sur la nomination d’un maire. Ils se sont réunis pour donner à la France le seul gouvernement possible dans les circonstances où nous sommes, et ils nous doivent ce gouvernement, ils nous doivent de s’entendre jusqu’au bout, d’offrir à la chambre elle-même l’exemple d’un accord persévérant. Ils sont aux affaires pour préparer avec toutes les garanties de régularité et de sécurité l’application définitive des lois constitutionnelles, le remplacement de l’assemblée actuelle par les assemblées qui viendront.

La question n’est plus maintenant à faire son apparition officielle, elle s’est déjà produite dans les bureaux de la chambre à propos de cette discussion qui s’est engagée sur les élections partielles ; elle se reproduira infailliblement aux premiers jours de la session prochaine. Quelles sont les lois que l’assemblée se réservera encore de voter, à part les actes complétant la constitution et le budget ? A quelle époque précise voudra-t-elle se dissoudre ? Ce ne serait point sans doute une résolution trop prudente, surtout pour notre politique étrangère, de fixer